Dès le premier jour de son procès, Jérôme Cahuzac avait posé l’enjeu. Sa fraude fiscale est établie et reconnue. S’il a fait appel de la peine prononcée contre lui par le tribunal correctionnel fin 2016 – trois ans de prison ferme et cinq ans d’inéligibilité –, c’est dans le seul espoir d’éviter la prison. Mardi, l’avocat général a cependant demandé à la cour d’appel de Paris de confirmer cette peine, qui l’enverrait au moins quelques mois derrière les barreaux. Dans son réquisitoire, Jean-Christophe Muller a insisté sur la nécessité de « rétablir » ainsi « l’équilibre social », « durement et durablement rompu » par l’affaire Cahuzac. Il s’agit bien, pour le magistrat, de faire un exemple contre « le sentiment d’impunité » qu’il prête à l’ancien ministre du Budget. « Les fautes commises ont empoisonné l’air que les citoyens ont respiré, délégitimé une part de l’action et de la parole publique, altéré la confiance des citoyens dans leurs dirigeants. » Et la « déflagration » causée par le scandale a eu un impact national, en précipitant l’adoption de lois sur la transparence qui n’étaient pas prévues dans le programme de François Hollande (lire l’épisode 24, « Cahuzac, l’homme qui réenchanta la justice financière »).
Tant que la condamnation définitive ne sera pas intervenue, la paix intérieure ne sera pas retrouvée et l’équilibre social pas rétabli.
Jean-Christophe Muller l’a rappelé, la décision de première instance était d’une sévérité inédite en France à ce niveau de responsabilités. « Le dernier homme politique » condamné à de la prison ferme pour fraude fiscale, « c’était Bernard Tapie, en 1997 : dix-huit mois dont douze avec sursis ». C’est à la cour d’appel de décider « si cette voie doit être suivie », même si l’avocat général y est favorable. Généreux en exemples censés démontrer la plus grande rigueur de nos voisins européens en la matière, Jean-Christophe Muller n’a pas forcément choisi les bons. Oui, « un footballeur espagnol » – Lionel Messi – a bien été condamné à 21 mois de prison ferme de l’autre côté des Pyrénées. Mais comme en France, les peines inférieures à deux ans sont intégralement aménageables. Oui, « le Président du conseil italien » – Silvio Berlusconi – a pris quatre ans ferme dans l’affaire Mediaset, en 2013. Mais lui non plus n’a pas franchi les portes du pénitencier. Parmi les personnalités citées par l’avocat général, le seul à avoir effectivement connu la détention s’appelle Uli Hoeness, l’ancien président du Bayern Munich.