La vigne a eu le temps de se reposer cet hiver, il est temps de s’y remettre. On avait quitté le domaine Voillot à la fin de l’automne, alors que le repos végétatif commençait, je l’ai retrouvé avec beaucoup de plaisir pour apprendre à tailler la vigne, opération qui permet de comprendre le vignoble et calmer les élans envahissants de cette liane qui, à l’état sauvage, pousse indéfiniment et ne donne plus de raisin. La taille la prépare à recevoir les bourgeons de l’année. Permet de maîtriser leur nombre, leur espacement. Tout en orientant la plante pour l’année qui suivra.
« Le but est de réguler la fructification en essayant d’éviter d’emblée une sous-production, ou une sur-production », explique Jean-Pierre Charlot. Selon lui, il faut « démystifier » l’importance du vigneron. Il suffirait de réfléchir un peu, puis cela devient très intuitif. « La taille, quand ça se passe bien, c’est du plaisir, dit-il. N’importe qui peut faire ça. Même un journaliste y arriverait. » Et c’est ainsi qu’une petite heure après, j’étais à genoux dans une vigne, sécateur à la main.
Ce jour-là, c’était la course pour Jean-Pierre. Comme souvent en réalité. Il lui fallait passer voir l’assureur du domaine à Beaune, à six kilomètres de Volnay, puis faire un crochet à la banque, quelques courses car il manque toujours du matériel, des bricoles. Ensuite, il devait être de retour au domaine à temps pour le passage d’un camion qui venait récupérer une commande italienne : lorsque personne n’est là, le chauffeur n’attend pas, il file vers l’Italie. C’est une partie invisible mais très prenante de ce métier, comme la paperasse administrative, plus débordante qu’une liane.
Du coup, pendant que le patron court, c’est Jeannot, salarié du domaine depuis près de vingt ans et homme de confiance de Jean-Pierre, qui se charge de la formation. Il attrape dans le camion une pierre à aiguiser pour m’affûter un sécateur. Une amie de Jean-Pierre, Élisabeth, est là également. Elle a décidé de planter de la vigne sur un petit terrain familial pour se reconvertir à la quarantaine. Jean-Pierre la trouve courageuse : c’est un métier rude, incertain, à cause des aléas climatiques, des marchés qu’il faut trouver et garder. Pour l’instant, elle se forme.
Sur chaque cep, on enlève tous les bois inutiles, on appelle ça le démontage ou la prétaille. On en garde seulement deux, que l’on va ensuite tailler pour les raccourcir. Le premier donnera la baguette, sur laquelle poussera le raisin cette année.