Dans un épisode de Black Mirror, la série britannique qui raconte comment les nouvelles technologies pourraient transformer notre monde en cauchemar, une mère qui a eu très peur après avoir perdu sa fille au parc lui greffe un capteur permettant de savoir à tout moment où elle est, ce qu’elle voit et quelles substances son corps ingurgite (drogues y compris). Que croyez-vous qu’il se passe quand la petite fille devenue adolescente découvre l’intrusion de sa mère dans son intimité ? Imaginez maintenant la même histoire, mais avec votre père ou votre mère vieillissants. Vous qui les espionnez – pour leur bien, naturellement ! – et comment cela pourrait déraper. Et bien grâce à la nouvelle génération de produits imaginés par les entreprises de téléassistance, vous pouvez maintenant, pour un prix modique, expérimenter un tel scénario.
Que la téléassistance nous conduise tout droit vers Black Mirror est la conséquence de son inefficacité actuelle. Ou plutôt du décalage entre ce qu’elle nous promet – la sécurité de nos aînés – et la réalité de son utilisation. Je vous en ai parlé dans le précédent épisode. Pour faire face aux chutes – la première cause de mortalité accidentelle chez les plus de 65 ans –, le pendentif, offre de base des services de téléassistance, n’est pas du tout opérant. Il n’est souvent pas porté, car gênant ou stigmatisant, nécessite une personne consciente pour être activé… Du coup, les opérateurs, bien au courant de leurs manques, ont tenté de développer une deuxième génération de produits : le bracelet ou patch « détecteur de chute ». Là, plus besoin de sujet conscient pour déclencher l’alarme : des capteurs installés sur le corps analysent des mouvements brusques et une perte de verticalité et permettent, en théorie, d’être alerté de tous les graves malaises affectant votre vieux parent vivant seul. Sauf que le système est encore loin d’être parfait. Les bracelets ne décèlent pas les « chutes molles », c’est-à-dire les personnes âgées qui tombent lentement, et sont la source de nombreuses fausses alarmes : si l’on agite les bras brusquement, l’alerte se déclenche. Et puis un bracelet, c’est moins voyant qu’un pendentif, mais d’un point de vue psychologique, c’est tout aussi stigmatisant.
Pour remédier à tous ces défauts, l’industrie de la téléassistance développe donc une troisième génération de solutions : des capteurs installés non pas sur les personnes, mais à leur domicile, sur les murs, les plafonds, les portes, voire sur le compteur d’eau… L’idée, c’est d’enregistrer tous les faits et gestes des personnes âgées, de les traiter via des logiciels plus ou moins perfectionnés, de détecter ainsi des événements potentiellement à risque, et de déclencher l’alarme auprès de proches ou de professionnels.