«Tant qu’y’a de la grève, y’a de l’espoir ! » Les mains serrées autour du micro, Bérenger Cernon harangue la centaine de cheminots réunis ce mardi en assemblée générale gare de Lyon, à Paris. « Tant qu’il y a des gens dans le combat, on n’a pas perdu », reprend le secrétaire général de la CGT-Cheminots pour le secteur de Paris Sud-Est. Les grévistes applaudissent. Leurs drapeaux s’agitent dans les airs. Comme chaque jour de mobilisation, rendez-vous était donné en fin de matinée dans la cour intérieure d’un bâtiment administratif en bordure des quais. Déjà plombée par une pluie fine, l’ambiance avait tout pour être sinistre. La veille, députés et sénateurs se sont mis d’accord sur une version commune du « pacte ferroviaire ». Les syndicats ont obtenu quelques avancées, dont l’incessibilité du capital de la SNCF et le principe d’un « droit au retour » pour les cheminots transférés au privé. Mais le cœur de la réforme, qu’ils rejettent en bloc, demeure inchangé. La mobilisation entame son quinzième round, son 29e jour d’arrêt de travail.
L’adoption du texte en commission mixte paritaire (CMP) ouvre la voie à son vote définitif au Parlement dans les prochains jours. Elle aurait pu acter la fin du mouvement. C’est en tout cas ce qu’espéraient le gouvernement et sa majorité (lire l’épisode 12, « Au train-train où va la grève… »). Mais il n’en est rien, promet Fabien Villedieu, responsable de SUD Rail à la gare de Lyon : « Franchement, si l’on m’avait dit il y a deux mois qu’on atteindrait encore des chiffres historiques de grévistes aujourd’hui, je n’y aurais pas cru. » Ce trentenaire à l’indéboulonnable casquette de laine vient de recevoir les chiffres des « D2I », ces préavis de grève que certains métiers du rail sont contraints de remplir 48 heures à l’avance. Il sourit en brandissant une liasse de papiers. D’après lui, 77 % des conducteurs rattachés à Paris Sud-Est ont cessé le travail ce mardi, comme 50 % des contrôleurs. Un score très honorable pour ces deux professions, fer de lance du mouvement. Le syndicaliste, applaudi à son tour, hausse la voix : « La loi, elle est votée, alors le gouvernement nous dit : “La messe est dite.” Bah non, elle est pas dite et on est encore motivé pour se battre jusqu’au bout ! »
Autre motif de satisfaction pour les cheminots ce matin-là, l’unité syndicale résiste, malgré la défection annoncée de la CFDT pendant les épreuves du bac.