Loin d’avoir été biberonné aux trains, bercé par les souvenirs d’un grand-père chef de gare ou d’un oncle mécano, Serge Fournet est entré à la SNCF à un âge où certains commencent à envisager d’en partir : 52 ans. Une nouvelle vie sur le tard. Jusque-là, il fréquentait plutôt les voitures. Après une dizaine d’années d’intérim, Serge Fournet a accompli une bonne partie de sa carrière à l’usine PSA d’Aulnay-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis. En 2013, l’arrêt de la production des Citroën C3 sur le site a eu raison des chaînes de production. Plus de 2 500 salariés ont dû se recaser ailleurs. Certains ont toqué à la porte de la RATP ou d’Aéroports de Paris. Avec une centaine de collègues, Serge Fournet a atterri à la SNCF.
« C’est PSA qui a transmis mon dossier, ça m’a aidé, se souvient-il. J’étais délégué CGT, j’ai participé à la grève contre la fermeture, ce n’était pas bien vu. J’avais tenté de postuler moi-même, mais n’avais eu que des refus. » Cheveux poivre et sel coupés ras, lunettes rondes, on le retrouve dans un café collé à la gare de l’Est, à Paris, où les cheminots passent avaler un petit noir au comptoir. Ce mercredi, pour le premier jour du quatrième round de grève contre la réforme ferroviaire, il va cesser le travail, comme à chaque fois depuis le 3 avril. La mobilisation s’annonce en léger recul, malgré l’annonce par la direction de la SNCF, lundi soir, de filialiser le fret. Et surtout, malgré l’adoption en première lecture par l’Assemblée du projet de loi – par 454 voix contre 80.
Depuis quatre ans, Serge Fournet travaille au « technicentre » de Noisy-le-Sec, au nord-est de la capitale, à sept kilomètres à peine de son ancienne usine. Un atelier tout en longueur de 15 000 m2, bien visible depuis les voies, consacré aux travaux de maintenance du matériel SNCF. Il en existe une trentaine en France. Celui de Noisy-le-Sec, qui emploie plus de 400 personnes, couvre les lignes de la banlieue est, comme la E (un RER) ou la P (un Transilien). Bernard Thibault, le chevelu secrétaire général de la CGT de 1999 à 2013, à la tête de la fédération des cheminots pendant les grèves de 1995, y a fait ses classes. C’est l’hôpital des rames. Comme en ambulatoire, certaines restent la journée pour un contrôle de routine. D’autres, dont l’état est plus préoccupant, s’attardent une semaine. À l’intérieur de l’atelier couvert, plusieurs dizaines de voies où les trains passent sur le billard.