Une seule balle en pleine tête, à bout portant. Stéphane avait tout organisé parfaitement, l’affaire devait être vite réglée. Un « tueur » allait venir à la ferme au début de l’hiver, le froid est un allié pour ce genre de travaux. Il « ferait » Sidonie, et sûrement d’autres animaux, derrière la maison. Cet homme est un spécialiste, un ancien professionnel des abattoirs, il sait faire ça proprement et sans souffrance.
Les semaines ont passé, le froid est toujours là, mais le tueur n’est pas venu. Stéphane Dinard a repoussé le rendez-vous. Plusieurs fois. Et Sidonie est toujours là. Quand on lui a parlé, il y a quelques jours, c’était déjà le début de la fin de l’hiver. L’éleveur installé en Dordogne nous a assuré qu’il n’y aurait pas de mise à mort chez lui avant plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Pourquoi ? Il y a bien sûr la peur du gendarme. L’abattage à la ferme est interdit en France mais Stéphane Dinard le pratiquait depuis plusieurs années, refusant d’amener ses bêtes dans des abattoirs dont il dénonce les pratiques. Rappelons qu’en juin dernier, Stéphane s’est rendu à l’Assemblée nationale avec la sociologue Jocelyne Porcher et a révélé aux élus de la République qu’il pratiquait cet abattage dans l’illégalité (lire l’épisode 7, « L’abattoir est dans le pré »).
Il a expliqué aux membres de la commission d’enquête sur les conditions d’abattage dans les abattoirs français comment et pourquoi il fait tuer ses animaux dans sa ferme avant de vendre leur viande en circuit court, une pratique passible de six mois de prison et 15 000 euros d’amende. L’éleveur a avancé qu’il ne voulait pas rester plus longtemps un renégat de la viande, qu’il voulait travailler avec les services administratifs à développer des solutions, notamment celles déjà en œuvre chez nos voisins.

La sociologue a elle tenté d’expliquer que les éleveurs qui pratiquent l’abattage à domicile ne sont pas des barbares, loin de là. Leurs pratiques d’élevage sont douces et durables. S’ils prennent ces risques, c’est pour éviter à leurs animaux le transport et le passage par l’abattoir, des lieux de souffrance et d’opacité selon elle.
Quelques jours plus tard, Stéphane a reçu la visite de la direction départementale des services vétérinaires (DDSV). On lui a remis un procès verbal, il s’est aussi rendu dans leurs locaux, a rencontré les gendarmes du coin.