Escortant Omar L., dealer menotté, nous quittons l’avenue Ballanger sirènes hurlantes. Le compte à rebours de la garde à vue a commencé pour le trafiquant que le groupe Surdoses traque depuis des mois. 96 heures maximum. Sevran, Bondy, Bagnolet. Les passants suivent le convoi d’un œil fâché. La gardienne de la paix Émilie T. – que je surnomme « Front Kick » – et moi menons le cortège dans la DS3. Patrick N., Fabrice L., Mika et le jeune dealer nous suivent dans la Peugeot aux vitres teintées. Du trottoir, on pourrait penser qu’un grand criminel est conduit en lieu sûr. Ce n’est qu’Omar L. avec son débardeur, ses deux grammes de cocaïne et ses ennuis conjugaux.
Quelques bus touristiques longent encore le quai des Orfèvres. En ce mois de septembre, le 36 inaugure sa rentrée en déménageant. Dans deux semaines, la plupart des bureaux seront transférés aux Batignolles, dans le « Bastion », édifice situé près du nouveau tribunal de grande instance. Un avis de « désinsectisation » est placardé sous le porche. Plus haut, nous passons devant la brigade criminelle, qui prépare déjà ses cartons. Fin d’une époque. Le rideau va bientôt tomber sur le commissaire Maigret, le docteur Petiot, les combles enfumés, les geôles exiguës.
Arrivés avant nous, la capitaine Floriane B., dite « Chat Noir », et le brigadier Thierry M. ont placé « La Faucheuse », soupçonné d’être un complice d’Omar, en cellule. Le brigadier recense déjà les scellés. Floriane rédige le procès-verbal de l’interpellation. Derrière son bureau, le mur est vide. Elle a déjà rassemblé ses affaires. C’est officiel : Chat Noir quittera l’unité en fin de semaine pour rejoindre le 2e District de police judiciaire (2e DPJ) en tant que chef-adjointe d’un groupe stups. Sa mutation n’est nullement perçue comme une offense par ses collègues. Personne, au sein de l’institution, n’ignore qu’il est vital de passer d’un poste à l’autre.
« J’imagine que tu ne l’as pas encore auditionné ? demande le commandant Patrick N., à voix basse.
On est ici depuis cinq minutes…
OK, alors on va commencer par Omar. Son avocat, maître K., ne répond pas. Le crapaud n’en veut pas d’autre, tant pis pour lui… »
Le jeune dealer passe brièvement par les geôles avant d’être conduit dans le bureau de Patrick. Toute l’unité est mobilisée. Le brigadier Fabrice L., surnommé « Le Bélier », fait l’inventaire de ses effets personnels ; le brigadier Michaël C., dit « Le Chimiste », met en forme la notification de garde à vue. Dans la pièce voisine, Front Kick appelle déjà les clients de la plateforme.