Début juillet 2004, John Kerry, brillamment revenu du diable Vauvert pour remporter la primaire présidentielle démocrate, doit finaliser son choix de colistier pour la vice-présidence. Conformément au processus de sélection, son équipe de campagne, après un examen approfondi des potentiels candidats, a réduit leur nombre à cinq, parmi lesquels le jeune sénateur de Caroline du Nord John Edwards et l’ancien patron démocrate à la Chambre, Dick Gephardt. John Kerry, alors sénateur du Massachusetts, penche pour Gephardt, car il connaît mal Edwards et le traditionnel entretien en tête à tête entre le présidentiable et son futur possible colistier prend donc un relief particulier. À la sortie, les principaux conseillers de John Kerry, dont Bob Shrum, son stratège de campagne et maître à penser, lui demandent ce qu’il a pensé du jeune sudiste qui a leur préférence : Edwards promet de compléter idéalement le ticket présidentiel entre expérience et jeunesse, Nord et Sud, progressisme et modération. Mais Kerry est quant à lui passablement refroidi. Durant l’entretien, Edwards lui a fait, les larmes aux yeux, la confidence jamais partagée jusqu’alors de ses derniers mots à son fils Wade enterré quelques années plus tôt. Sauf que Kerry se rappelait très bien qu’Edwards lui avait servi mot pour mot la même anecdote quelques années plus tôt, lui jurant déjà que c’était la première fois qu’il en parlait à quelqu’un… John Kerry ne veut plus alors entendre parler d’Edwards mais devant l’insistance de ses conseillers, il accepte de le revoir à la condition néanmoins qu’Edwards lui promette, si jamais ils n’étaient pas élus, de le soutenir en 2008. Edwards jure et Kerry finit par le choisir. Pour un désastre mémorable. Les deux hommes ne s’entendent jamais durant la campagne, Edwards se révèle un partenaire aussi inefficace dans son débat contre Dick Cheney qu’égoïste. Et après leur défaite, comme de bien entendu, il est le premier à se déclarer pour la primaire démocrate de 2008, rompant sa promesse de Gascon. Bien des années plus tard, après l’effondrement de la carrière de John Edwards rattrapé par la justice, Kerry conclut qu’il était un très mauvais choix.
Tim Walz, le coup de vice de Kamala Harris
Rural quand elle est urbaine, de gauche quand elle est modérée : avec Walz à la vice-présidence, la candidate démocrate joue la complémentarité.
Texte
Corentin Sellin
Photo
Jenn Ackerman/The NYT/Redux/Réa