Jean-Yves Camus est politologue et codirecteur de l’Observatoire des radicalités politiques de la Fondation Jean-Jaurès. Pour Les Jours, il analyse l’entrée massive de députés du Rassemblement national (RN) à l’Assemblée nationale à l’issue du second tour des législatives : ils occuperont 89 sièges sur 577 (lire l’épisode 10, « Pour Macron, la Nupes horribilis »). Le parti d’extrême droite ne comptait que huit élus au cours du précédent mandat.
Le Rassemblement national multiplie le nombre de ses députés par plus de dix en cinq ans. Comment expliquer ce résultat que les sondages n’avaient pas anticipé ?
Au début de la campagne, je me souviens d’une étude donnant une fourchette haute à 80 sièges pour le RN. Mais depuis, les sondages plafonnaient en effet autour de 60 députés maximum pour le parti d’extrême droite. C’est encore le chiffre qui circulait vendredi dernier et celui que Marine Le Pen présentait comme une large victoire juste avant le scrutin. Le résultat est bien au-delà, sans forcément qu’une mobilisation plus forte des électeurs RN ne soit démontrée. Par ailleurs, les électeurs du Rassemblement national n’ont plus de mal à dire pour qui ils votent lorsqu’on leur pose la question
Renvoyer les radicalités de gauche et de droite dos à dos est une tactique habituelle de ceux qui prétendent représenter l’hypercentre. C’est infondé et contribue à banaliser les idées d’extrême droite.
L’affaiblissement des partis, toutes tendances confondues, joue-t-il un rôle dans la mauvaise anticipation du score du RN ?
Les reports de voix des candidats républicains entre eux n’ont pas fonctionné comme lors de la présidentielle. Le front républicain est bel et bien enterré. C’est en effet en partie le produit d’appareils partisans très faibles, qui ne maîtrisent plus leurs électorats respectifs.