89.89 députés du Rassemblement national (RN) font leur entrée à l’Assemblée nationale et c’est du jamais-vu quand, au max, en 1986 et à la faveur d’un scrutin à la proportionnelle décidé par ce brigand de François Mitterrand (c’était tout de même la 47e de ses « 110 propositions pour la France » en 1981), ils étaient arrivés à 35. Elle est là, l’extrême droite, désormais les fesses bien calées sur le velours cramoisi de l’Assemblée nationale et elle est même le premier parti d’opposition face aux 246 députés d’Ensemble, Emmanuel Macron se privant de la majorité absolue qui lui aurait permis de gouverner les doigts dans le nez pendant les cinq ans de son mandat (lire l’épisode 10, « Pour Macron, la Nupes horribilis »). Dès ce lundi, Jean-Luc Mélenchon a tenté une contre-attaque en proposant que la Nupes, jusqu’à présent alliance de La France insoumise (LFI), d’Europe Écologie - Les Verts, du Parti socialiste et du Parti communiste et ses 142 députés, « se constitue comme un seul groupe au Parlement de manière à ce que sans aucune discussion possible il soit établi qui mène l’opposition dans ce pays ». Une « proposition d’ordre dans le chaos qui avance », a-t-il poursuivi, mais qui a été aussitôt déclinée par les autres partenaires de l’union des gauches. S’ils sont toujours en faveur d’un intergroupe à l’Assemblée, aucun ne veut aller jusqu’à se dissoudre dans une Nupes aux trois quarts composée d’Insoumis. Sauf à des ralliements individuels, les quelque 80 députés de la seule LFI pèseront donc moins lourd que ceux du RN.
Si, in fine, l’équilibre des forces à l’Assemblée nationale issu des législatives ressemble tout de même sacrément à celui du pays tel qu’issu de la présidentielle, ce dimanche soir, la surprise a été à la hauteur de l’aveuglement. Personne, ni les politiques, ni les sondages, ni les médias, n’avaient vu le RN arriver aussi massivement, malgré le gros score du premier tour (17,3 %), malgré la deuxième place à l’élection présidentielle (41,45 % au second tour). Pendant que tout le monde était occupé à regarder siffler les balles entre La République en marche (LREM) et la Nupes, Marine Le Pen avançait à bas bruit, avec une campagne en sourdine (lire l’épisode 5, « Morne Le Pen »). Il y a un mois seulement, elle espérait récolter de quoi constituer un groupe, soit quinze élus. 89 députés plus tard, la question se pose : mais pourquoi donc tant de RN ?
Par le passé, on a parlé de « front républicain », de « cordon sanitaire », de « barrage » ou de « digue » avec l’extrême droite.