Les « aidants », comme on appelle ceux qui hébergent des migrants dans la vallée de la Roya, ont un peu le blues, ces temps-ci. Pourtant, depuis avril, ils avaient obtenu des avancées : les exilés arrivés à la « principauté » de Cédric Herrou à Breil-sur-Roya pouvaient, sans risque d’être arrêtés, prendre le train vers Nice pour déposer leur demande d’asile (lire l’épisode 1, « Bienvenue en principauté Herrou »). Mais les autorités ont sans prévenir mis fin au protocole transparent et informel auquel elles avaient auparavant adhéré. D’abord, en arrêtant fin juillet en gare de Cannes 156 migrants partis de chez l’agriculteur, aussi vite expulsés, alors que Cédric Herrou était mis en examen (lire l’épisode 2, « L’État broie l’asile »). Aux oubliettes, le protocole. Désormais, les exilés sont reconduits directement en Italie, sans pouvoir faire valoir leurs droits, à la grande joie de ceux que cet accueil révulse (lire l’épisode 3, « La Roya rive droite »). Deuxième coup de lame, le 8 août, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a aggravé la peine de l’éleveur de poules, le condamnant à quatre mois de prison avec sursis (lire l’épisode 4, « Herrou malgré lui »). L’étau se resserre et les « aidants », comme Nathalie Masseglia, se posent des questions.
On arrive chez elle par une longue piste qui surplombe Breil-sur-Roya. Il fait beau et c’est beau. Clown de théâtre, elle s’est beaucoup investie dans l’accueil des migrants. Au printemps 2016, elle a récupéré trois Soudanais qui marchaient sur la route dans le mauvais sens, retournant sans le savoir vers l’Italie qu’ils venaient de quitter. Elle les a ramenés chez elle, « pas trop en réfléchissant », elle qui ne faisait pas d’humanitaire et ne savait même pas « où étaient l’Érythrée et le Soudan ». Ils sont restés trois jours puis, comme ils voulaient aller à Paris, elle les a conduits au train à Nice. D’autres ont suivi et elle raconte en rigolant qu’elle a fini par comprendre une règle élémentaire, quand elle les chargeait au bord de la route : « Ils vomissent, ils ne supportent pas la voiture. J’ai acheté un sac de sacs à vomi. » Quand elle voyait qu’ils se sentaient mal, elle disait : « Stop ! Le sac ! »
Mais cela n’est rien à côté du choc psychologique, « vachement violent ».