Elle aura beau respecter une décision de justice, reconnaître le droit de cet homme à réintégrer l’entreprise, que pensera Sofia E. quand elle croisera dans les couloirs d’Europe 1 celui qui, témoignait-elle fin 2019 devant le tribunal, lui a un jour lâché : « Je te vois nue dans mes draps de soie rouge, en train de te mettre des chocolats un par un au fond de la bouche » ? Que se dira-t-elle, Sofia E., en se remémorant ces autres mots du même homme, une fois qu’elle était à la photocopieuse : « Si tu te penches, je te mets neuf mois » ? C’est aujourd’hui que ça pourrait lui arriver : Kamel A., ancien salarié d’Europe 1, condamné en mars 2020 pour harcèlement sexuel et moral, est réintégré dans la station du groupe Lagardère à partir de ce mercredi. Il a fait appel du premier jugement, il a obtenu que son licenciement soit cassé, il a le droit de croiser Sofia E. dans les couloirs.
Son procès a été raconté dans l’épisode 10 du Sale boulot, notre série sur les violences faites aux femmes au travail. Cinq femmes étaient venues témoigner : les phrases, les brimades, les séquelles. Kamel A. a démenti, il a nié, il s’est dit victime d’un complot de la part de la direction d’Europe 1, mais il a été condamné à des peines supérieures aux réquisitions : dix mois de prison avec sursis pour harcèlement sexuel et moral, 20 000 euros en tout pour les victimes et cinq ans d’inéligibilité syndicale. Le jugement précise que Kamel A. doit « s’abstenir de paraître en tout lieu où se trouvent » les victimes et « s’abstenir de toute relation » avec elles. Il a fait appel. Fin de l’histoire, sauf que non. Viré d’Europe 1 en juin 2019 après les plaintes des victimes, il a obtenu en décembre dernier l’annulation de son licenciement devant le tribunal administratif, pour une simple affaire de forme, selon la direction de la station qui a fait appel