[GENERIQUE STRIP-TEASE]
VOIX ENQUETE EXCLUSIVE
B : BIENVENUE DANS ENQUÊTE EXCLUSIVE. Nous sommes ici à Mollenbeek, où le jeuhne Ahmed est en pleine radicalisation. Nous le voyons actuellement avec sa famille. C’est l’incompréhension, il n’y a plus de communication dans la famille. C’est la débandade. Il va falloir appeler Pascal Le Grand Frère.
C : Ouhla Benjamin, t’as rendu hommage à trois émission à la fois, c’était très bizarre. On parle de radicalisation aujourd’hui ? Tu as fait du gonzo bizarre ? Et bonjour, tant qu’à faire.
B : Bonjour Corentin, bonjour à tous. Je ne me suis pas radicalisé, mais je vais vous parler d’un film qui parle de ce sujet, et c’est un film qui vient tout juste d’être primé à Cannes. Ce n’est hélas pas Parasite, environ le film qui donne le plus envie de l’année, mais Le Jeune Ahmed, des frères Dardennes. Sur le papier, c’est un peu moins excitant.
[BANDE ANNONCE 1]
B : Jean-Pierre et Luc Dardenne viennent de remporter le prix de la mise en scène à Cannes 2019. Ils font partie des réalisateurs rarissimes à avoir gagné la palme d’or deux fois, en l’occurrence pour l’Enfant et Rosetta. Ils ont également signé Deux Jours Une Nuit avec Marion Cotillard, ou la Fille Inconnue, leur film précédent. Avec les Dardennes, on peut dire qu’il y a un dispositif technique, ou peut-être un non-dispositif technique. Ils ont une démarche quasi-documentaire : plan serré, caméra qui bouge, champ-contrechamp. Rarement de grosses éllipses, une démarche naturaliste en diable, bref un côté… oui, documentaire à la Strip Tease pour le coup. Par contre, avec le jeune Ahmed, le sujet est un poil risqué.
C : Le jeune Ahmed éponyme, 13 ans, est un petit musulman totalement radicalisé par l’Imam du coin.
B : Comme ça y’a pas d’ambiguité sur le scénario, on suit pas la radicalisation, mais bien ses conséquences. Je vous renvoie vers le dernier Téchiné ou la chronique d’Exfiltrés, c’est dans ?
C : Le Brunch !
B : Bravo. Ahmed, incarné par Idir Ben Addi, ne sourit pas une seule fois du film. Il est ultra appliqué dans l’apprentissage de l’arabe coranique, pense Coran, vit Coran, est probablement prêt à mourir Coran, il attend la prochaine Fatwa et fait tout pour être, selon lui, un bon musulman. La musique, c’est péché, montrer ses bras, c’est péché, serrer la main à une femme, c’est pécher. Le responsable, c’est effectivement un Imam qui l’a endoctriné, et l’acte 2 du film va commencer quand Ahmed va tenter de tuer une personne de son entourage qu’il juge trop mécréante. BONNE AMBIANCE LES AMIS.
C : Il est difficile de ne pas détricoter ce film de moins d’une heure 30.
B : Oui, c’est un peu l’antithèse de 90’s, disponible dans le Brunch. On est pas dans la quête de liberté, mais dans une pulsion de mort et de fanatisme religieux. Donc passé cette sidération, cette radicalité d’avoir un gosse de 13 ans qui agit comme il agit, le film fait interagir Ahmed avec des éducateurs, sa famille au bout du rouleau, une autre adolescente que vous voyez sur l’affiche et laissez-moi vous dire que le jeune Ahmed ne va pas magiquement abandonner ses convictions après deux jours de stage. Le film construit une tensions, il la construit savamment, et puis hop il se passe un truc c’est déjà fini c’était le jeune Ahmed.
C : C’est quand même un film super pessimiste !
B : Si vous avez vu Deux jours une nuit avec Cotillard… et pas Six jours sept nuit avec Harrisson Ford et Anne Heache, vous retrouverez des similitudes. Une aspiration cinéma-vérité quasi-documentaire et un scénario qu’on peut contracter en deux paragraphes. Ce côté Strip-Tease est un peu perturbant, souvent maladroit. Le souci de ce film est méta, est c’est à vous de voir si c’est un souci. En choisissant cette radicalité, en étant aussi tranché et pessimiste, on se demande si Le Jeune Ahmed ne pourrait pas servir la soupe aux extrêmes. Jean-Marie Le Pen avait par exemple cité La Promesse à sa sauce. Les Dardennes s’en défendent sur le HuffPost.
“Plutôt qu’un film sur le terrorisme, on voulait faire un film qui s’intéresse à la religion et qui la prend vraiment au sérieux (…) Nous on n’a pas fait un objet idéologique. On essaie simplement de voir comment la vie peut reprendre son territoire sur la mort auprès de ce gamin”
Certes, mais je ne peux pas m’empêcher de trouver le film un poil maladroit, notamment dans sa manière de relier certains points. Bon, là, je peux pas spoiler. Mais le côté « deux papis adulés du cinéma font un film sur l’islam radical » est difficile à ignorer. D’ailleurs cette démarche méga terre-à-terre dessert un poil le film, notamment dans son interprétation. Le jeune Ahmed est très inexpressif, alors diégétiquement c’est normal. Mais on sent qu’il patine, et qu’il compte les Mississipis avant de dire son texte.
C : Ca ne veut pas dire que la démarche est mauvaise.
B : C’est laissé à votre appréciation mais ça change des films de Ken Loach, lui aussi ayant son pass illimité pour Cannes, où les personnages sont toujours en proie aux éléments extérieurs. Là on parle de luttes intestines mais on cherche à comprendre. À comprendre les mécanismes de pensée, les phobies, et toujours un naturalisme qui sait mettre mal à l’aise comme il faut : jamais le bruit fait par des ablutions n’aura été aussi perturbant. Donc il y a une tentative de démonstration… par deux monstres sacrés du cinéma qui tentent un sujet avec une prise de position radicale. Et oui tu vas me demander ENSEMBLE Si le jeune ahmed est recommandé par les Croissants STOP LA SYNCHRO eh oui je te connais bien. J’aime bien cette noirceur qui fait de ce film un Nocturama soft. La démarche vous fera peut-être tiquer, mais c’est un autre film de concours de journalisme : simple et assez édifiant pour être récité.
C : C’est le jeune Ahmed, en salles depuis le 22 mai. Il devrait tenir un petit peu avant de disparaître des écrans. Eh ben on dit quoi Benjamin ? On dit à la prochaine.
B : Inchallah !
« Le Jeune Ahmed », l’enfant terrible des frères Dardenne
Une nouvelle fois, le dernier film des frères Dardenne a été récompensé à Cannes. « Le Jeune Ahmed » parle du sujet très délicat de la radicalisation d’un adolescent de confession musulmane. Est-ce que ce long métrage de ces monstres sacrés du cinéma est une réussite ? Réponse avec Benjamin Benoit.
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