Post-vérité à l’Élysée
Appelons ça des « signaux faibles », qui se sont empilés ces dernières semaines pour dessiner peu à peu une faille médiatique autant que politique entre les faits et une réalité parallèle. Une deuxième vérité qui nie la première et menace d’abîmer durablement le fonctionnement des institutions autant que les rapports sociaux entre les Français·es. Le principal de ces signaux, c’est la lettre d’Emmanuel Macron qui déploie sa vision du résultat du second tour des élections législatives du 7 juillet. « Personne ne l’a emporté », dit le président de la République aux électeurs et électrices. Pourtant, c’est bien la gauche unie qui a le plus de député·es et doit aujourd’hui construire un gouvernement capable de répondre à la situation. Sauvés par le front républicain et, massivement, par le report des voix des électeurs du Nouveau Front populaire, le parti macroniste et ses alliés font comme si de rien n’était.
Le Président joue là sa carte politique jusqu’à l’absurde : après avoir laissé ses troupes taper sur toute la gauche pendant la campagne pour en faire un épouvantail pire que l’extrême droite aux yeux des Français·es, il compte aujourd’hui rassembler les perdants (macronistes et Républicains) pour construire une coalition qui lui permettrait de garder la main. Ce genre de stratégie est bonne pour des séries télé comme House of Cards ou Borgen, pas pour la réalité. Car en tentant cette interprétation biaisée de la situation politique du moment, Emmanuel Macron nourrit encore l’idée qu’il y a plusieurs réalités qui se valent. Ce n’est pas sain, au sortir d’une campagne médiatique qui a également vu les médias de la sphère Bolloré glisser de l’info orientée à la fake news pure et simple, afin de pousser l’extrême droite jusqu’au bout. C’est CNews qui invente des hordes de jeunes gauchistes prêts à tout casser ou appelle entre les lignes à ne pas respecter le résultat des urnes. C’est Le Journal du dimanche qui invente un faux abandon de la dernière loi immigration en date, à la veille même du second tour. Tout ça participe d’un lent affaiblissement du débat d’idées au profit d’une polarisation stérile qui ne peut faire que beaucoup de dégâts.
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Sophian Fanen
Journaliste - cofondateur
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L’œil des « Jours »
On l’aurait presque oublié tant l’actualité politique française est intense mais l’Ukraine est toujours en guerre. L’armée russe l’a rappelé de façon atroce ce lundi 8 juillet à Kyiv. Sur cette image de la photographe américaine Madeleine Kelly (qui a collaboré avec Les Jours pour les photos de cet épisode), une employée blessée du plus grand hôpital pour enfants d’Ukraine assiste aux opérations de sauvetage après un très probable tir direct des forces russes. Bilan à ce jour : plus de trente morts. Un nouveau crime de guerre à ajouter à la liste de Vladimir Poutine. Simon Lambert
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Opérations de sauvetage après le bombardement du principal hôpital traitant les cancers pédiatriques en Ukraine, à Kyiv, le 8 juillet 2024 — Photo Madeleine Kelly/Zuma/Abaca.
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« La dissolution d’Emmanuel Macron »
Il y a des moments comme ça, où l’actu disparaît presque entièrement derrière un seul sujet, même sur Les Jours. Ça ne va pas durer, rassurez-vous, mais la série du moment est indiscutablement La dissolution d’Emmanuel Macron, qui n’en finit pas de rebondir et d’acter un moment de bascule dans l’histoire politique, donc dans l’histoire tout court, de la France. On ne sait toujours pas, à l’heure de boucler cette newsletter, où tout ça nous mène, mais on essaye de vous le raconter depuis le 9 juin, en live quand tout va trop vite ou à tête reposée dès que l’on peut. Cette série compte déjà 42 épisodes en quatre semaines et c’est un record sur Les Jours, signe de l’intense chambardement déclenché par la décision solitaire du président de la République au soir des élections européennes.
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La bollorie de la semaine
Parce qu’il se passe toujours quelque chose dans l’empire Bolloré
Une bonne nouvelle n’arrivant jamais seule, la calamiteuse audition des dirigeants de C8 ce mardi à l’Arcom (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique) a été suivie de décisions du Conseil d’État, saisi par le groupe Canal+. Eh bien c’est du bim et du rebim : l’instance a confirmé l’amende de 3,5 millions d’euros infligée à C8 pour le lynchage en direct du député insoumis Louis Boyard traité, entre autres amabilités, de « merde » et de « tocard ». Et elle a également confirmé les 500 000 euros d’amende à C8 encore et à Cyril Hanouna toujours pour avoir reçu un sombre gars qui avait sorti, toujours en direct, la légende de l’adrénochrome, cette pseudo-drogue pour l’élite conçue à partir de sang d’enfant.
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C’est le pourcentage de votes en faveur du candidat Rassemblement national au premier tour des législatives à La Ferté-Gaucher, petite ville des confins est de la Seine-et-Marne. À 53,63 %, les électeurs ont confirmé leur choix au second tour, envoyant Julien Limongi à l’Assemblée nationale pour son premier mandat, après soixante-six ans de règne sans interruption de la droite dans le secteur. C’est là qu’est parti en reportage Pierre Bafoil, pour comprendre le mouvement d’exaspération, de déception vis-à -vis des autres partis mais aussi d’espoir (parfois mal informé) placé dans le RN dans beaucoup de petites communes de France.
→ Lire le reportage
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« Nina Simone en fugue », épisode 1
C’était notre série musicale de l’été dernier, à l’occasion des 20 ans de la disparition de Nina Simone. Avec un constat en guise de premier épisode : jamais sa musique et sa légende n’ont eu autant d’impact qu’aujourd’hui auprès de la jeunesse. Engagée pour la cause des Noirs américains, figure féministe exploitée par une industrie musicale dirigée par des hommes, elle est aujourd’hui mieux comprise par une époque qui partage tous ces combats.
→ « Nina Simone, femme actuelle », à lire ici
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Photo Thierry Chesnot/Sipa.
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Christine Villemin aura 64 ans le 13 juillet. Elle est la mère de Grégory Villemin, retrouvé mort à 4 ans dans la Vologne, le 16 octobre 1984. Ce jour marque le début de « l’affaire Grégory ». Accusée par la rumeur dans une vallée où tout le monde se tait, elle fut inculpée et visée par la presse. Il faudra attendre huit ans pour qu’un non-lieu soit finalement prononcé. À ce jour, la mort du petit garçon n’est toujours pas officiellement expliquée.
→ Sa fiche perso
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« Le Président [américain] est désormais un roi au-dessus des lois. »
Moment rare à la Cour suprême des États-Unis, la juge progressiste Sonia Sotomayor a tenu à dire publiquement son désaccord face à la décision de ses collègues – très conservateurs – de suivre Donald Trump dans son interprétation de la Constitution en consacrant son immunité quasi totale pour les actes commis pendant son mandat. Il ne rendra donc pas de comptes, avant l’élection présidentielle de novembre, pour sa responsabilité dans l’attaque du Capitole, le 6 janvier 2021, par ses partisans chauffés à blanc.
→ À lire, l’analyse de Corentin Sellin
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Ça y est, l’Euro de football étant terminé (enfin, pour les Bleus), on va pouvoir dormi… euh, se passionner pour le vénérable Tour de France cycliste. C’est son moment, coincé cette année entre le championnat de punchlines de la dissolution et les Jeux olympiques. Et c’est donc l’occasion de plonger dans notre série qui suivait l’an dernier le Tour depuis l’arrière, Dans la voiture-balai, qui ramasse les coureurs à la traîne. C’est signé Pierre Carrey et c’est croquant.
→ En voiture !
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La chanson de la semaine
« Nouvelles », de PLK
En attendant de se pencher sur les tubes de l’été 2024 ce samedi dans notre chronique musicale Face A, face B, on revisite un ver d’oreille de l’an dernier : Nouvelles, du rappeur PLK. Ce morceau vous a peut-être échappé parce que l’on vit aujourd’hui dans des univers sonores parallèles où les succès ne sont pas partagés par tous, mais attrapez le premier ado qui passe et il pourra vous entonner son refrain sans réfléchir. Nouvelles est une vraie chanson d’amour tendre (et déçu) sur un beat d’inspiration reggaeton, un petit hymne nocturne entre garçons beaucoup plus doux qu’ils n’en ont l’air.
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On en aurait bien fait une série
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Le bruit du frigo
« Imaginez si je mettais une vuvuzela en permanence dans votre oreille. » C’est l’image qu’utilise un ORL de Granbury pour décrire ce que vivent les habitants de cette petite ville du Texas. Depuis 2022, ils souffrent d’hypertension, de palpitations cardiaques, de migraines et de crises de panique à cause, disent-ils, du bruit émis par une usine de minage de bitcoin. Celle-ci se présente sous la forme de 163 conteneurs abritant 30 000 ordinateurs refroidis par des ventilateurs follement énergivores et assourdissants, le Texas ne régulant quasiment pas la pollution sonore. Une enquête passionnante à lire dans Time Magazine (et à voir en vidéo).
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Sea, health and sun
Loin de la fureur texane, pourquoi aimons-nous regarder la mer ? C’est l’objet des recherches du psychologue allemand Florian Schmid-Höhne. Dans le magazine Stern, il explique qu’on ne fait que rarement l’expérience d’une telle immensité dans notre quotidien. Et que la combinaison du sable et de l’eau nous renvoie aux terrains de jeu de l’enfance. Et puis, « la mer est le seul paysage que l’on puisse goûter », dit-il. L’occasion de citer un article de The Atlantic qui raconte que les médecins britanniques du XVIIIe traitaient la lèpre avec des « pintes d’eau de mer » et simulaient des noyades pour soigner la mélancolie des dames de la haute société.
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La surprise
S’il y a bien quelque chose qui marche sur TikTok, ce sont les vieilles chansons soudainement redécouvertes par la génération actuelle. Mais cette fois-ci, la trend (c’est le nom des trucs à la mode sur le réseau) embarque aussi leurs parents, invités à danser sur la classique eighties Smalltown Boy de Bronski Beat comme ils l’auraient fait à l’époque. Bien souvent, ça commence timidement dans la cuisine ou le salon, puis les pas reviennent comme si c’était hier – la version perso de Courteney Cox est ici. Au passage, Smalltown Boy, qui fête cette année ses 40 ans, est aussi un morceau essentiel pour la communauté gay et DJ Mag racontait son histoire (en anglais) il y a peu.
→ Bouge, Papa, bouge !
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Ă€ vendredi
On se quitte sur une disparition passée inaperçue cette semaine, celle de Martial Richoz, alias « l’homme-bus » des rues de Lausanne. Star des enfants, connu de tous dans les années 1980, il arpentait les rues en pente en poussant un chariot décoré comme le trolleybus de la ville, dont il imitait aussi le bruit – arrêts compris. Adopté par la population avant que ses créations n’entrent au musée de l’art brut local, il a été interné plusieurs fois mais revenait chaque fois à sa passion. France Culture lui a consacré deux émissions poétiques en 2023.
Sophian Fanen
Journaliste - cofondateur
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