đź‘… Bardella-Le Pen, Monsieur est servil
«J’ai 29 ans… Vous en conviendrez, le temps des mémoires n’a pas encore sonné. » Il aurait pu, il aurait dû, s’arrêter là , Jordan Bardella. Dès l’incipit de Ce que je cherche (Fayard, 2024), son bouquin écrit avec ses pieds et une brosse à reluire. Mais non, il s’est accroché, le jeune patron du Rassemblement national (RN), jusqu’à pondre 324 pages tartinées de poncifs d’extrême droite, d’autosatisfaction et d’un monumental cirage de pompes de Marine Le Pen. C’est bien simple, Jordan Bardella mentionne son nom à 135 reprises, soit près d’une fois toutes les deux pages et demi. Le paroxysme est atteint dans son vingt-deuxième et dernier chapitre, sobrement intitulé « Marine ». Une fois essuyé le sang de nos yeux écorchés par les vingt-un premiers, reste donc à lire cette hagiographie mystico-servile.
Elle débute par leur rencontre en 2015 dans une pizzeria de Nanterre, dans les Hauts-de-Seine. « Son magnétisme ne laisse personne indifférent lorsqu’elle pénètre dans une pièce, miaule le néoplumitif. Marine Le Pen irradie. » Touché par la grâce, Jordan « Soubirous » Bardella poursuit : « Le temps semble s’arrêter, les gens se figent, les conversations cessent, les regards convergent sur elle. » La discussion s’engage, « aidée par la spontanéité d’une Marine sans apprêt » qu’elle conclut par cette « incroyable question » : « Ça te dirait de travailler pour moi ? » « Spontanément, je réponds par un fougueux “Oui, bien sûr !” », s’exclame-t-il, ébaubi par sa propre audace. L’histoire commence, elle est belle.
Sans transition, notre songe-creux décrit l’attentat à la bombe qui, en 1976, a visé Jean-Marie Le Pen et traumatisé la petite Marine. Et raconte n’importe quoi, parlant de « vingt kilos de dynamite », contre cinq dans la vraie vie, et de « douze immeubles détruits », quand ce sont douze appartements d’un seul immeuble qui ont été touchés. Mais au fond, qu’importe ? Qu’importe aussi « l’héritage sulfureux du Front national » évacué d’une seule phrase, Jordan préfère gribouiller sur la défaite aux présidentielles de 2017, louer la campagne de 2022 et cette « Marine Le Pen, combative, allante, [qui] suscite l’enthousiasme et l’adhésion, et redevient un espoir pour des millions de Français », et, curieusement, omettre la claque électorale qui s’en est suivie.
Retour en 2019. Vous avez mal à la tête ? Nous aussi, mais concentrez-vous parce qu’elle est comme ça, la prose de Jordan, épuisante de dates et d’allers-retours qui visent à combler le vide de la pensée. En 2019, donc, il dirige la campagne victorieuse des européennes par la grâce du « pari audacieux » d’une Marine Le Pen omnisciente. Nouveau saut dans le temps pour conjurer les « commentateurs médisants » de ne chercher aucune ombre au tableau : « Le lien de confiance est absolu […]. Le reste n’est que bavardage. » La fin du chapitre approche, la tension monte. C’est l’été 2023, Jordan et Marine se baladent en voilier quand, au large, surgit soudain le fort de Brégançon, dans le Var. Sise à la proue du bateau, Marine Le Pen fixe la résidence estivale des Présidents français, « seule et pensive », s’émeut son ânon : « Osant rompre le silence, je m’approche d’elle : “Vous croyez que vous y serez un jour ? Qu’on finira par gagner ?” Le regard au loin, sa réponse, simple, déterminée, belle : “J’en suis convaincue.” Le courage de Marine m’oblige. Son stoïcisme incandescent aussi. » On frissonne, on dirait du Titanic… Et vu les cinq ans d’inéligibilité requis contre Marine Le Pen au procès des assistants parlementaires européens du RN, la fin de l’histoire pourrait ressembler à celle du film.
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Pierre Bafoil
Journaliste
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L’œil des « Jours »
La COP29, conférence internationale sur les changements climatiques, a ouvert ses portes à Bakou, en Azerbaïdjan, le 11 novembre. Pendant onze jours, les représentants de 197 pays devront se mettre d’accord (ou pas) sur le montant des aides à verser aux pays en développement par les États développés. « Solidaires pour un monde vert », peut-on lire un peu partout dans les allées de l’événement. Mais ce n’est pas parce que c’est écrit gros que ça fonctionne. Les États les plus riches n’ont pas spécialement envie d’être les seuls à passer à la caisse et demandent aux États émergents, Chine en tête, de participer à l’effort collectif. Le tout sur fond de « les hydrocarbures sont un don de Dieu », punchline climaticide prononcée par Ilham Aliev, président de l’Azerbaïdjan et hôte de la conférence. Simon Lambert
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Un homme est assis sur un canapé dans les allées de la COP29 à Bakou, en Azerbaïdjan, lors de l’ouverture de la conférence, le 11 novembre 2024 — Photo Bianca Otero/Zuma/Réa.
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« Plus gay que toi, mon dieu »
Ils sont prêtres, homosexuels et se cachent. Un groupe de parole secret, qui a ouvert ses portes aux Jours, réunit toutefois ces hommes de foi pour parler sexualité et faire bouger une institution toujours bloquée dans une vision passéiste. Une enquête dans les marges du monde catholique qui mêle histoires d’amour, relations clandestines et culpabilité. Un premier épisode déjà publié, un autre très bientôt.
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La bollorie de la semaine
Parce qu’il se passe toujours quelque chose dans l’empire Bolloré
« Ils s’appellent Vincent, Damien, Isabelle, Valérie, William, bien sûr Cyril, évidemment. Ils ont fait de C8 la première chaîne de la TNT. » Mais qui est donc le mystérieux « Vincent » cité ainsi par Pascal Praud dans une chouinerie en défense de la chaîne virée de la TNT par l’Arcom (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique) alors que le Conseil d’État examine ce vendredi le recours de C8 ? Vous le saurez en lisant le tout prochain épisode de L’empire…
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C’est, d’après le ministère de la Communication du Hamas, le nombre de Palestiniens morts dans le nord de Gaza depuis le mois dernier que l’armée israélienne y a lancé une nouvelle campagne de bombardements. Sous leurs cadavres se dessine la stratégie mortifère de l’État hébreu : recoloniser cette partie de l’enclave palestinienne. À lire dans le dernier épisode de notre série Israël en guerres.
→ « “Pour Israël, ça revient à utiliser l’aide humanitaire comme arme de guerre” »
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L’avis de fin d’information dans l’affaire du docteur T., cet ancien gynécologue du Val-d’Oise accusé par 130 ex-patientes de viols et d’agressions sexuelles, a été rendu le 18 septembre dernier. Le procureur a trois mois pour rendre son réquisitoire définitif. La balle reviendra ensuite à la juge d’instruction qui devra, ou non, ordonner le renvoi du médecin devant une cour criminelle. Notre dernier article, qui retrace les onze ans de procédure, a été mis à jour.
→ À (re)lire ici
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Photo Mark Peterson/Redux/RĂ©a
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Le 46e président des États-Unis aura 82 ans mercredi prochain. Ni les démocrates ni la Maison-Blanche n’ont annoncé de grande fête à Washington pour célébrer ça. Pour cause, l’heure est aux larmes après l’écrasante victoire de Donald Trump. Pour tout comprendre, ruez-vous sur les analyses de Corentin Sellin et les reportages de Mehdi Bouzouina dans notre quatrième saison de This is America.
→ La fiche perso de Joe Biden
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Elle a duré des années au Parlement européen, elle est jugée depuis un mois et demi au tribunal de Paris. Ce mercredi, deux procureurs ont implacablement requis contre Marine Le Pen et ses sbires, accusés d’avoir magouillé dans l’affaire des assistants parlementaires fictifs. Dénonçant « un système organisé » et le rôle d’« instigatrice » de la triple candidate à la présidentielle, ils ont réclamé contre celle-ci une peine de cinq ans d’inéligibilité et autant de prison (dont deux ferme). Notre compte rendu d’audience est à retrouver ici.
→ « En allant à l’Élysée, Marine Le Pen se cogne sur le parquet »
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« Au vu du regard de la situation, on a essayé de contrôler l’individu… »
Ainsi parle Thomas B. gardien de la paix à Aubervilliers, comme s’il tapait un procès-verbal, et cet « individu », aussi… Six mois de prison ont été requis contre lui. Tous les premiers jeudis de chaque mois, Les Jours sont devant la 14e chambre correctionnelle de Bobigny qui juge les policiers de Seine-Saint-Denis. L’épisode de novembre est disponible ici.
→ « Délits de flics », épisode 3
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La chanson de la semaine
« Terres brûlées », de Myriam Gendron
On ne va pas se mentir, l’ambiance est un peu grise, là . Entre les États-Unis qui se livrent à l’extrême droite mascu-complotiste et l’incapacité mondiale à faire quoi que ce soit pour éviter que la Terre ne flambe sur pied dans les deux ans, on est comme plongés dans une tétanie épuisée. Dans ces moments-là , il reste les arts et donc la musique, avec deux grandes options : le bruit, la fureur et l’énergie pour évacuer par le corps, ou l’introspection noire pour lutter contre le mal par le mal. C’est cette piste qu’explorent les chansons de la Canadienne Myriam Gendron depuis dix ans et dernièrement dans son troisième album, Mayday. Je vous en (re)parle parce qu’elle est en tournée en France et en Europe en ce moment et que c’est l’une des très belles choses que vous verrez cette année, c’est promis. On y parle de la famille, du deuil et du Canada qui brûle dans les incendies chaque été… La vie, quoi. Sophian Fanen
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On en aurait bien fait une série
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Seuls dans la jungle ?
« Qui sont les Mashco Piro ? Pourquoi évitent-ils tout contact avec autrui ? Et comment font-ils pour rester une énigme, le dernier secret d’un monde entièrement éclairé ? » Pour répondre à ces questions, la journaliste du magazine allemand Die Zeit Vanessa Vu s’est rendue à Monte Salvado, dans le sud-est du Pérou, pour rencontrer les Yine, seuls voisins de cette tribu recluse de l’Amazonie. Son très long reportage raconte (notamment) les relations conflictuelles entre les deux peuples, mais aussi la pression des entreprises européennes, américaines et péruviennes sur les forêts d’hévéas de la région.
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Poste restante
Aux antipodes du Pérou, sur l’île japonaise d’Awashima, des cartes postales attendent d’être lues dans un bureau de poste. Rien d’étonnant, sauf qu’elles n’ont pas de destinataires. Conçue dans le cadre d’une exposition d’art contemporain en 2013, la « Poste à la dérive » a d’abord reçu des courriers impossibles à distribuer. Puis l’ancien employé du bureau a repris du service pour recevoir des cartes du monde entier envoyées à des absents : défunts, amoureux·ses perdu·es, fantômes et dents de lait. À lire dans La Repubblica.
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La surprise
Plus qu’une surprise, c’est un conseil que Les Jours donnent à l’opposition de gauche en France. Lors des prochains débats à l’Assemblée nationale, pour témoigner leur mécontentement, ils devraient descendre dans l’hémicycle en hurlant un haka comme le font les membres du parti mahori de Nouvelle-Zélande dans cette vidéo. Effet garanti sur Michel Barnier et ses ministres !
→ « Ka mate, ka mate »
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Ă€ vendredi
Il y a pile 231 ans (bah si, c’est quasiment un chiffre rond), les élus de la Convention décrétaient que tous les Français devraient désormais manger le même pain. Terminé celui au bon blé pour les riches et l’autre au son pour les pauvres : « Tous les boulangers seront tenus, sous peine d’incarcération, de faire une seule sorte de pain : Le Pain Égalité. » Hé oui, parce que c’est ça, aussi, votre newsletter préférée : un puits de savoirs délicieux. À la semaine prochaine !
Pierre Bafoil
Journaliste
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