Député socialiste des Landes, Boris Vallaud, 43 ans, connaît bien la haute administration et la maison élyséenne. Il fut secrétaire général adjoint de l’Élysée pendant deux ans, sous François Hollande. Au début de l’affaire Benalla, il a trouvé le fondement juridique (l’ordonnance du 17 novembre 1958) qui a permis la création de la commission d’enquête à l’Assemblée nationale. Pour Les Jours, il revient sur la crise provoquée par les révélations autour du chargé de mission de l’Élysée mais aussi sur l’année parlementaire écoulée, la méthode de gouvernement d’Emmanuel Macron et l’affaiblissement du pouvoir législatif depuis le début du quinquennat.
Avec quelques jours de recul, quel regard portez-vous sur l’affaire Benalla ? Est-elle seulement le fruit de dérives individuelles ou est-ce une affaire d’État ?
Si elle avait été traitée promptement et de façon plus sévère, cette histoire serait peut-être demeurée celle d’un petit marquis qui abuse de ses pouvoirs. Mais dès lors que les choses ne sont pas réglées comme il faut le 2 mai, qu’elles ne le sont pas plus le 18 juillet ou 19 juillet, après les premières révélations, que les premières déclarations du porte-parole de l’Élysée s’avèrent assez peu conformes à la réalité des faits, l’affaire prend évidemment une dimension politique par les silences, les approximations, les dénis, une forme de résistance à la manifestation de la vérité. Que se serait-il passé si la presse n’avait pas mis un nom sur le visage de celui qui molestait des manifestants ? La réponse est… rien. Alexandre Benalla serait toujours un collaborateur très proche du président de la République avec tous les attributs qu’il avait, sa voiture de fonction équipée, son port d’armes et il aurait même gagné un appartement de fonction pour nécessité de service alors qu’il était censé avoir été rétrogradé. Il y a un abus de pouvoir personnel de Benalla, c’est certain. Mais sa gestion par l’Élysée en a fait une affaire politique.
Nous avons quitté la commission car elle n’était pas en mesure de faire un travail correct et équilibré.
Comment s’est déroulé le travail au sein de la commission d’enquête ? Et comment jugez-vous son échec, puisqu’aucun rapport ne viendra clore les auditions menées ?
Les tensions étaient palpables et la majorité crispée. Le scénario de défense de l’exécutif était de dire : les sanctions ont été prises immédiatement, elles étaient justes et cette histoire est une affaire dérisoire qui ne concerne qu’un individu et éventuellement la hiérarchie policière.