En cet hiver 2001, Frédérique Balland, psychologue de la police nationale, demande un stage à la PJ de Paris pour valider son diplôme de psycho-criminologue, si possible à la brigade des mineurs. Elle est reçue dans le bureau 315 – celui de Maigret – par Frédéric Péchenard, alors patron de la brigade criminelle. Le commissaire divisionnaire a un autre projet pour elle : la crim’. Elle hésite. « La brigade des mineurs piste à ce moment-là un violeur d’enfants d’une violence inouïe, j’avais envie d’aller là-bas », me confie-t-elle. Mais Péchenard insiste. Et lui explique : « J’ai pensé que vous pourriez aider dans l’affaire Bloch », du nom de Cécile, 11 ans, tuée et violée le 5 mai 1986 dans le sous-sol de son immeuble à Paris par un serial killer à la peau grêlée. Cet argument décisif la convainc.
Malgré quinze années de recherches tous azimuts, le tueur paraît impossible à identifier. Pour le commissaire Péchenard, c’est un dossier désespéré. À la base, il n’est pourtant pas emballé par l’idée de recourir à une psychologue, échaudé par une précédente expérience avec un collègue de Frédérique Balland qui a emporté en douce des procès-verbaux chez lui pour écrire des romans inspirés de faits réels. Mais il se dit « prêt à un nouvel essai ». La psy part donc à son tour sur les traces du Grêlé.

Elle est installée au 36 dans un bureau minuscule, au sein de ce qu’elle nomme « la brigade des seigneurs », voire « celle des saigneurs ». Dans son livre Au plus près du mal (Grasset, 2015), elle décrit : « Cent policiers dont trois femmes. Pas des tendres, peu enclins à accueillir les nouveaux venus. » A fortiori une nouvelle recrue. Et profileuse de surcroît. Par chance, le chef de groupe qui piste le Grêlé s’appelle Odile Fairise, « une femme solide et respectée », et l’enquêteur de terrain qui gère la procédure, Christian L., réputé pour son inébranlable ténacité, paraît ouvert. « Elle peut rendre des services », répète-t-il aux dubitatifs et aux « antipsy ». Ce n’est pas le profilage du tueur qui intéresse les poulets du groupe mais des éléments concrets pour le démasquer. Comprendre les ressorts psychologiques des actes du Grêlé n’est pas leur priorité. À leurs yeux, c’est la quatrième étape, après l’identification, l’arrestation et les aveux du meurtrier. Toujours bloqués au premier stade, ils ont pour l’instant cruellement besoin de détails tangibles pour remonter jusqu’à lui.