StopCovid, l’application de suivi épidémiologique à la française, existera bel et bien et probablement dès la fin de la semaine. Tout est prêt ou presque, elle a même déjà été testée par des militaires en conditions réelles jusque dans le métro parisien. Il ne lui manquait qu’une décision politique, qui est devenue réalité mercredi après-midi lorsque l’Assemblée nationale a validé cette nouvelle brique de la stratégie numérique du gouvernement dans le cadre de la lutte contre le Covid-19, au bout d’un débat de plus de trois heures dont la France a le secret. L’issue de cette discussion agitée, qui n’était au départ pas prévue mais a été arrachée par l’opposition, ne faisait pourtant aucun doute : 338 députés ont voté pour (LREM très largement, ses alliés de l’UDI et Cédric Villani), 215 élus (majoritairement de l’opposition) ont voté contre. Un peu plus tard dans la soirée, le Sénat a également approuvé l’utilisation de l’appli.
La France et le numérique, c’est une histoire compliquée marquée par de grands débats paroxystiques. Celui-ci en était un, qui rappelait l’époque des empoignades sur la Hadopi dans les années 2000, avec tous ses ingrédients attendus à cocher dans une grille de bingo : beaucoup d’approximations techniques (« Moi non plus je ne comprends rien techniquement, je parle en termes juridiques », a résumé Nicole Belloubet, la ministre de la Justice), le petit air suffisant de la minorité qui sait comment fonctionne internet, toute la panoplie des auteurs de science-fiction dystopiques convoqués pour faire peur (George Orwell et Aldous Huxley en tête) et une palanquée de penseurs de chez nous qu’on peut mettre à toutes les sauces (Rabelais, Montesquieu…). Car le moment était un peu historique, comme l’a pointé Cédric O, le secrétaire d’État chargé du Numérique : « C’est la première fois, je crois, qu’un seul logiciel informatique [nous] mobilise pour un débat et pour un vote. Jamais le gouvernement et le Parlement ne s’étaient retrouvés autour d’un sujet si restreint qui porte en lui des questions plus larges. » Si StopCovid « n’est en soit que peu de choses », ce sont « les débats autour qui en disent surtout beaucoup sur nous ».
Tout avait été dit avant la séance sur StopCovid, lors d’un plan com façon tapis de bombes déployé depuis deux semaines par le gouvernement.