Au début de l’épidémie, on l’a regardée d’un mauvais œil. L’immunité, notre ressource interne contre les virus, censée nous protéger de leurs agressions, échouait dans sa mission, aggravant l’état des malades du Covid-19… jusqu’à les tuer. Affolé par ce virus inconnu, le système immunitaire s’emballe, en effet, chez certains patients, provoquant une réaction inflammatoire déchaînée, surdimensionnée : l’orage de cytokines. Et ces malades meurent non du virus, mais de la réaction inflammatoire qu’il déclenche. Un comble. Puis on s’est posé des questions. Car cette tempête immunitaire ne survient pas chez tous les patients. Certains, les fameux asymptomatiques, ne se rendent même pas compte qu’ils ont été infectés. Une autre forme d’immunité réussit-elle discrètement là où la première échoue avec fracas ?
Il faut en effet savoir que la réaction inflammatoire ne constitue qu’une des formes de l’immunité, dite « innée », qui se déclenche vite, mais un peu à l’aveuglette contre l’agresseur, avant que l’immunité dite « adaptative » (que l’on nomme aussi « acquise » ou « spécifique ») ne se mette en action. Celle-ci prend le temps de s’organiser et apporte une réponse ciblée contre le virus présent, à l’aide des lymphocytes B et des lymphocytes T, des globules blancs qui fabriquent des anticorps. Molécules spécialement conformées pour s’accrocher à la surface du pathogène (comme une pièce de puzzle s’emboîtant parfaitement), les anticorps s’agrippent au virus et l’entravent dans sa conquête d’une cellule fraîche à infecter. Affublé de ces anticorps, le virus se fait en outre repérer par les macrophages, des grosses cellules du système immunitaire inné, qui sont chargées de le dévorer.

Ça, c’est ce qui se passe en général. Mais pour le Covid-19 ? Les réponses commencent à arriver en provenance des laboratoires, et sur certains aspects, elles sont plutôt rassurantes. Des recherches ont montré que les patients atteints de formes sévères de la maladie développent bien des anticorps contre le virus. Les patients atteints d’une forme mineure aussi : une étude (prépubliée mais non encore validée) menée par le CHU de Strasbourg et l’Institut Pasteur sur 160 personnes testées positives par prélèvement nasal, mais sans symptôme ou presque, montrait que dans ce cas aussi, des anticorps contre le Sars-CoV-2 sont produits et semblent capables de neutraliser le virus. Reste à vérifier que c’est bien le cas.