Dans le rôle de Roméo : Youssef B., gardien de la paix en région parisienne. Celui de Juliette est assuré par Fatima E., issue d’une fratrie de trafiquants de drogue toulonnais. Malgré la désapprobation des frères voyous, ils se marièrent en 2011 et eurent trois enfants. Belle histoire, jusqu’à ce que Fatima E. demande une faveur à son policier de mari, en octobre 2015 : peut-il vérifier si son frère Abdelfatah, qui s’est mis au vert au Maroc, est toujours recherché par les condés français ? Le fonctionnaire accepte de se renseigner, même s’il n’en a pas le droit. Mal lui en a pris. Jeudi 18 avril, Youssef B. et un collègue à lui, Tchindébé O., comparaissaient devant le tribunal correctionnel de Paris pour violation du secret professionnel et détournement d’une information contenue dans un traitement de données. Ils sont poursuivis pour avoir consulté le Fichier des personnes recherchées (FPR) hors de tout cadre légal. Fatima E., absente à l’audience pour des raisons médicales, se voit reprocher d’être leur « complice par instigation ».
L’affaire n’aurait jamais éclaté sans un concours de circonstances favorable. En 2015, la sûreté départementale de Toulon, qui enquêtait sur les frères E., avait placé Fatima sur écoute. La PJ a ainsi intercepté deux conversations louches avec son époux. Dans la première, Youssef B., qui n’avait pas l’habilitation nécessaire pour fouiller lui-même dans le fichier, promet à sa femme de demander de l’aide à des collègues. Dans la seconde, il confirme s’être renseigné auprès de son « pote de Saint-Ouen ». L’Inspection générale de la police nationale (IGPN) n’a plus qu’à vérifier dans l’historique du FPR quels agents ont consulté la fiche d’Abdelfatah E. : les paroles s’envolent, mais les logins restent. Au total, il y en a dix-huit. Parmi eux, trois policiers du commissariat de Saint-Ouen dont Tchindébé O., ancien collègue de Youssef B. dans une compagnie d’intervention. Le piège se referme.

Youssef B., 38 ans aujourd’hui dont onze de police, reconnaît les faits et tente de les expliquer. En jean et chemise à carreaux, gêné de se retrouver à la barre, il décrit « l’ambiance hostile » à son égard dans sa belle-famille. Raconte que Fatima E. composait comme elle le pouvait avec ces « relations fraternelles exacerbées ». Le policier savait que ses beaux-frères