Coiffure et barbe ciselées, look de footballeur élancé (1,90 m, 73 kilos), Franck M. aurait pu se sentir comme chez lui au nouveau palais de justice de Paris. Le policier de 23 ans a exercé dans cet édifice de verre dès son inauguration, en avril 2018, jusqu’à ce que les choses tournent mal. Le 23 juillet 2018, dans les coulisses du tribunal, il garde les détenus appelés à comparaître l’après-midi. L’un d’entre eux, le tout juste majeur Mohammed F., tape sur les nerfs de l’escorte. Il bavarde fort avec ses voisins, on lui dit de se taire mais ça ne marche pas. Quand il demande à aller aux toilettes, Franck M. l’accompagne et lui règle son compte dans le huis clos des cabinets. Deux gnons en pleine figure selon le policier – qui accuse Mohammed F. d’avoir commencé –, quatre ou cinq patates selon le récalcitrant au casier vierge. Ce jeudi, devant le tribunal correctionnel, les deux hommes étaient jugés pour « violences réciproques ». Trois jours d’ITT (incapacité temporaire de travail) contre quatre, à la fois prévenus et parties civiles, à départager.
Dans son malheur de gamin sans-papiers marocain, Mohammed F. a eu la chance de tomber sur des avocats d’envergure. Des secrétaires de la Conférence, jeunes avocats élus par leurs pairs pour leur éloquence, étaient de permanence le 23 juillet. Cet après-midi-là, ils rencontrent pour la première fois ce prévenu de vol en apparence banal extrait de Fleury-Mérogis. Puis ont la surprise de le voir revenir tout contusionné après une suspension d’audience. Seul un policier du tribunal a pu refaire le portrait de leur client à la pause. Branle-bas de combat, tweet indigné avec photo, plainte. Depuis, Mohammed F. a été condamné pour le vol en question, puis s’est évanoui dans la nature après avoir purgé sa peine. Quant au policier, il a été affecté à la circulation dans l’attente du procès, auquel il est venu ce jeudi.

Les faits sont assez simples, le contexte immortalisé par la caméra de surveillance d’un couloir. Franck M. accompagne seul Mohammed F. aux toilettes. Une demi-douzaine de policiers se trouvent à proximité. L’un d’eux, ancien camarade de Franck M. à l’école de police devenu son colocataire, entend « une vive discussion » à travers le mur des WC. Il entrouvre la porte pour s’enquérir de la situation. Quelques secondes plus tard, Franck M. sort assez précipitamment, dépose son ceinturon avec son arme de service sur un banc du couloir et retourne illico au petit coin. Après avoir rassuré son coloc :