La tempête tape et fait tanguer Tintin, une tempête monstrueuse, et Tintin hurle, cramponné au fil de ses trois cerfs-volants. S’il lâche, ce sera une défaite, il les perdra tous les trois et il aura la sensation d’être emporté avec eux. S’il continue de tirer, ce sont ses mains qui vont y rester. Il sait qu’il ne faut pas entortiller les phalanges ou les poignets, car la ficelle s’est tendue comme une lame. Tintin est depuis quarante ans un as du cerf-volant, capable de piloter des modèles nerveux par 110 km/h de rafales, mais il s’est fait surprendre par un vent fourbe qui cingle autour des 90 km/h. Il crie les chiffres de sa souffrance : « J’ai 400 kilos au bout des doigts. » Le solide se penche en arrière pour faire contrepoids, plisse les yeux pour trouver les dernières gouttes de force. Tintin lutte avec ses cerf-volants comme un pêcheur avec sa baleine.
Son ami Sébastien accourt sous les rafales, dans des gerbes de panique et de sable glacé, il saisit le fil de Tintin et l’accroche à sa ceinture d’alpiniste par un mousqueton. On dirait une cordée dans l’Himalaya, Sébastien tenant Tintin au sol, qui tient ses trois cerf-volants en l’air, d’abord le requin, ensuite le Spiderman et une sorte d’édredon multicolore… La guirlande reste immobile quelques minutes. Quand les tourbillons retombent, presque aussi vite qu’ils ont surgi, la cordée peut se détacher, les jambes tremblantes. Tintin s’incline :