Vincent n’a le droit de marcher que d’un côté de l’avenue Jean-Jaurès, l’artère qui sépare les communes d’Aubervilliers et de Pantin, en Seine-Saint-Denis. Depuis le 27 novembre, ce musulman converti est assigné à résidence à Aubervilliers. Cela fait six jours. L’arrêté ne mentionne aucune date de fin. On a prévu le coup en l’attendant sur le bon trottoir, à côté d’un marchand de fruits. Vincent arrive, il n’est pas très difficile à identifier sur le passage piéton : un grand gaillard, la trentaine, en djellaba blanche, pantalon court et barbe noire, avec sur son front dégarni la marque de ceux qui prient beaucoup. Il affiche un large sourire et tend la main pour dire bonjour.
Deux semaines après les attentats, à 15h55, quatre policiers en civil respectueux
et polis
ont sonné à sa porte pour lui remettre son assignation à résidence. Il est alors seul chez lui, vient de rentrer de la mosquée après la prière du vendredi et pense avec le recul qu’ils l’ont suivi. Il s’attendait à une perquisition, c’était arrivé à un bon ami à lui une semaine avant. L’ami en question a pris six mois de prison ferme en comparution immédiate parce qu’il détenait deux pistolets à grenailles. Mais chez Vincent, les policiers se sont contentés de lire le document d’assignation et sont repartis au bout de quelques minutes sans même jeter un regard à son appartement, le laissant stupéfait : Si je suis dangereux, pourquoi ils ne m’ont ni fouillé, ni palpé ?
L’assignation à résidence est d’ordinaire une mesure prononcée par un juge contre une personne condamnée ou mise en examen.