Kali Uchis, Orquídeas (Geffen Records, 2024)
Voilà un disque un peu agaçant, parce qu’il arrive chaque fois à sauver ses fesses par des pirouettes intrigantes au milieu des gimmicks faciles et parce qu’il renouvelle sensiblement l’aura de son autrice, la toujours curieuse Kali Uchis, en incontournable de la pop globalisée d’aujourd’hui. Orquídeas est en même temps le quatrième album de la chanteuse née pas loin de Washington il y a 29 ans, son deuxième chanté uniquement en espagnol et son long format le plus réussi depuis son apparition en 2012 avec une surprenante mixtape bricolée maison, Drunken Babble. C’est surtout un album d’affirmations multiples : de son statut de superstar capable de franchir les barrières du marketing réducteur des maisons de disques, de la transformation du monde de la musique en marchés où la question de la langue n’est plus une barrière stricte et de femme qui regarde beaucoup vers les grandes figures de la musique latino d’hier, qui se sont justement heurtées aux plafonds de verre que Kali Uchis fait valser aujourd’hui.
Jusqu’ici, elle était connue par trois cercles d’auditeurices qui ne faisaient que se frôler. Le premier est constitué des geeks de la musique qui ont vu en elle, au début des années 2010, une figure capable d’emmener ses chansons percutantes très loin, sans rien perdre de son indépendance d’esprit. C’était l’époque de Drunken Babble et de ses samples qui partaient dans tous les sens, un premier album officieux qui lui a valu d’être repérée par le faux branleur Snoop Dogg et le pilier du hip-hop arty Tyler, The Creator. On a alors découvert l’histoire de Karly Loaiza, née aux États-Unis de parents colombiens qui ont par la suite fait des allers-retours avec leur pays noyé dans les crises, avant de se fixer à nouveau en Virginie, le temps que leur fille commence à sécher les cours pour se cacher dans le labo photo du lycée et rêver d’une carrière dans l’image. C’est finalement la musique qui l’a attrapée quand, jetée dehors par son père après trop de disparitions et de règles brisées, Kali Uchis s’est réfugiée dans sa voiture planquée dans un parking souterrain pendant plusieurs mois. C’est là qu’elle a enregistré ses débuts et construit sa légende de forte tête, refusant de rentrer malgré les excuses de son père
Le second cercle de Kali Uchis l’a découverte en chanteuse américaine dans ses albums Isolation et Red Moon in Venus, où elle s’est fabriquée un personnage de fée baroque du R’nB moderne.