Tif, 1.6 (HSH/ADA France)
Le deuxième album de l’Algérien Tif, paru au printemps et qui ressort ce mois-ci enrichi de trois sessions live qui l’éclairent d’un jour nouveau, commence par une fausse piste : un morceau nommé Demain c’est b3id qui s’élance comme un titre de rap français actuel, flow contrarié, sourcils froncés. Il parle de « faire du sale », on s’attend à ce qu’il raconte des histoires de quartier, de fric et de trafic facile, de « faire le million » de streams et s’acheter une grosse voiture pour faire des burns sur l’autoroute. Mais c’est autre chose qui surgit rapidement et fait de Tif un passionnant représentant d’une nouvelle chanson en français qui se tient pile à l’équilibre entre le rap et le pur sentiment chanté. Il n’y a plus aucune raison de vouloir revendiquer l’une ou l’autre étiquette dans le monde de la musique très fluide d’aujourd’hui, c’est l’entre-deux qui est intéressant. Et Tif fait cela très bien dans son coin, pas bien loin de Soolking, Georgio ou Hamza qui occupent le même spectre sonore, continuité naturelle de l’hyperprésence du rap dans la musique en français depuis dix ans.
Longtemps, le jeune Toufik a pensé réussir à exister dans la musique depuis sa ville d’Alger. À la toute fin des années 2010, on l’entendait ainsi sur des mixtapes et quelques singles remarqués outre-Méditerranée, où apparaissait déjà son intérêt pour des productions très acoustiques mais qui ne dépassaient pas encore les codes attendus du rap de sa génération.