Sérgio Mendes & Brasil ’66, Herb Alpert Presents Sergio Mendes & Brasil ’66 (A&M, 1966)
En 1966, le tout nouveau groupe de Sérgio Mendes, le bien nommé Brasil ’66, part en tournée aux Bahamas pour se chauffer un peu avant d’attaquer les scènes des États-Unis où le pianiste, décédé la semaine passée à 83 ans, est alors installé depuis quelques années. Le quintet invente un nouveau son qui importe la bossa nova brésilienne en version cocktail et pop, propulsée par les deux voix parfaites de Lani Hall et Bibi Vogel. Mais cette façade chill avant l’heure cache mal l’ambition profonde de Sérgio Mendes, qui s’échappe souvent dans des expérimentations rythmiques et des méandres instrumentaux surprenants. C’est sans doute à cause de cette dualité, entre bossa clinquante et vrille jazz, que le groupe est vite remercié, remboursé et prié de dégager un soir dans un hôtel chic de l’archipel… parce que les clients n’arrivent pas à danser sur sa musique faussement légère.
Cette anecdote résume bien ce qu’a été Sérgio Mendes dans les années 1960 et 1970 : le roi d’une bossa jazz ultracool, mais aussi un compositeur et arrangeur qui cherchait à titiller sous les sourires. Il était la jonction de deux mondes que sa carrière d’avant le succès raconte : enfant malade qui ne s’échappait que grâce à son piano, Sérgio Mendes est tombé dans le jazz avant de faire ses classes dans les clubs de Copacabana au moment où y émergeait le courant bossa nova.