De Carpentras (Vaucluse)
Il faut le dire : Frédéric est « dégoûté ». « Regardez-les, dit cet artisan de 50 ans devant les images des fans de Macron en liesse diffusées par la télé. Ils se mettent une balle dans le pied et ils sont contents. » Alors que lui a « les bras coupés ». Ce militant FN venu suivre les résultats à la fédération de Carpentras n’y croit plus, même pour les législatives qui approchent. À Carpentras, Marine Le Pen est arrivée en seconde position derrière Macron, mais à plus de 46 % quand même. Aux législatives, « ce sera le même effet, dit l’artisan. Ils seront tous contre nous et on perdra tout. Et les dix millions de Français qui votent Le Pen n’auront pas de représentant. C’est écrit. On est dix millions à être désespérés. » Et cet homme qui se « lève tous les matins à 2 heures » pour fabriquer des sushis à Avignon s’interroge : « Qu’est-ce qu’ils vont faire de nous ? Ils veulent nous mettre dehors. Je vais demander l’asile politique. On va partir du pays et ils resteront avec les migrants. »
Soir de résultats à la fédération de Vaucluse du Front national. Il y a du rouge, du blanc, du rosé, mais l’ambiance est calme. Les militants se doutaient que c’était plié. Enfin, le conseiller départemental et candidat aux législatives Hervé de Lepinau a tout de même les boules. « C’est l’aboutissement d’un scénario orwellien, dénonce-t-il. Un candidat fabriqué par les médias et les lobbies financiers a gagné. » Il se dit « attristé d’assister au suicide français ». Mais bon, chacun ici le reconnaît : le FN n’est pas exempt de reproches. « Le débat télévisé ne nous a pas fait de bien », reconnaît de Lepinau, qui assure aussi : « On va faire notre autocritique. » Pour lui, « l’équipe dirigeante n’a pas réagi assez tôt aux sondages » qui annonçaient Le Pen à la baisse. La candidate aurait aussi dû, à ses yeux, indiquer dès le soir du premier tour que la sortie de l’euro était « secondaire ».
Il faudra aussi comprendre pourquoi le FN a dilapidé son potentiel au fil des mois. Le parti était prêt très tôt, depuis son week-end des Estivales à Fréjus en septembre dernier, et Marine Le Pen piaffait de ne pas connaître ses adversaires. À la fédération de Carpentras, il reste une affiche de cette époque, un grand champ de lavande surmonté de ce slogan : « Vivement 2017 ».