Ahhh, pouvoir parler de « maïeutique à ciel ouvert » à propos du grand débat sans être obligé d’expliquer ce qu’on veut dire à un public de neuneus, enchaîner les aphorismes comme « la laïcité, c’est un principe de la République qui assure la liberté de chacun et permet à chacun de croire » sans peur d’être interrompu… Emmanuel Macron a dû y rêver souvent, à ce genre d’échanges avec un public aussi bien élevé que celui des intellectuels. Bien installés dans la société, pas radicaux pour deux sous et prêts à attendre des heures sur une chaise sans s’impatienter… Alors que le grand débat s’est officiellement terminé le 15 mars et que ce genre d’exercice manque déjà à Macron, l’Élysée organisait lundi soir une réunion de rab avec une soixantaine d’intellectuels de toutes obédiences, un raout filmé et diffusé sur France Culture et animé par Guillaume Erner, présentateur maison. Pour ce « grand débat d’idées » inédit, il y avait des économistes, des essayistes, des historiens, des philosophes, des sociologues, des représentants des sciences dures… Beaucoup de personnes Macron-compatibles, mais pas que. Fidèle auditeur de France Culture, habitué aux discours légèrement pontifiants des invités de cette radio, je me suis dit que j’étais la personne parfaite, aux Jours, pour aller voir sur place. Au bout de huit heures de débat – le record du président de la République dans cette catégorie –, on vous avoue : on en a eu un peu marre.
L’exercice s’est tenu dans la nouvelle salle des fêtes de l’Élysée – dont la réfection aurait coûté 500 000 euros. Un décor beaucoup plus clair et moins prout-prout qu’avant : ainsi, la moquette est passée du rouge au gris clair. Comme quoi, les gilets jaunes ont beau dire beaucoup de mal du Président, il a bon goût et quand il détruit, c’est pour reconstruire en mieux. Pour le dispositif scénique, on a fait légèrement dans l’original par rapport aux réunions avec les maires (lire l’épisode 25, « Macron en mode des mots »). Pas d’Emmanuel Macron debout au milieu d’un public assis, tout le monde est sur une chaise devant des tables disposées en deux « C » enchâssés l’un dans l’autre. Les tables, on imagine que c’est pour prendre des notes (les intellos, ça écrit, c’est connu). Quant au plan de table, il semble avoir été fait au petit bonheur la chance, avec le Président entouré par deux chercheurs peu médiatiques (la sociologue Irène Théry et l’économiste Yann Algan) et toutes les professions et tendances mélangées.