Sa carrière de journaliste a été stoppée en plein vol par la couverture de l’affaire Grégory Villemin, qui a ruiné ses illusions sur la presse et « pulvérisé tous [s]es repères ». Elle était à l’époque l’envoyée spéciale d’Europe 1 dans les Vosges. « J’étais une jeune fille insouciante, prompte à s’amuser et à danser, mais j’ai été plongée dans un bain d’acide, ça m’a totalement déconstruite », confie aux Jours Laurence Lacour. Son récit, Le Bûcher des innocents, sorti en 1993 (Plon) puis enrichi en 2006 (Les Arènes) décrypte, sur plus de 600 pages, les dérapages juridico-médiatiques ayant anéanti toute humanité vis-à-vis des protagonistes de ce fait divers. Il est resté le livre de référence de cette tragédie. Son enquête minutieuse sur les coulisses de cet imbroglio a duré cinq ans.
Devenue éditrice aux Arènes, Laurence Lacour a reçu plus de 80 demandes d’interview le jour de juin 2017 où l’histoire a rebondi, et bien d’autres par la suite. Mais elle les a toutes déclinées. « On ne peut pas avoir dénoncé l’emballement médiatique et y plonger dès qu’il repart. » Elle fuit les médias, coupe la radio et éteint la télévision dès lors qu’elle entend un sujet sur Grégory. Elle ne lit pas plus les articles de journaux, mais a dérogé à sa règle pour le septième épisode de cette série des Jours, « La mémoire retrouvée du président Simon », que Jean-Marie Villemin, devenu son ami, lui a conseillé de lire.
C’est ainsi que j’ai réussi à la convaincre de revenir sur son parcours initiatique et chaotique dans les méandres de ce fait divers dévastateur. Toutefois, Laurence Lacour a longuement hésité et tergiversé avant de se livrer, car les résurgences du dossier Grégory lui donnent le vertige et des insomnies. Craignant des approximations ou interprétations, elle redoute des reprises malencontreuses de ses propos. Aussi, cette femme qui eut le courage de dénoncer les manipulations de la presse, a dû se faire violence pour accepter de témoigner dans Les Jours sur sa vie, irrémédiablement liée à l’affaire, et me prêter quelques photos de jeunesse.

Rien ne prédestinait Laurence Lacour à s’occuper du fait divers le plus marquant de la fin du XXe siècle. Née en 1957 à Orléans, Laurence Lacour fit de belles études supérieures – hypokhâgne, khâgne, licence d’histoire –, avant d’intégrer la rédaction de La République du Centre, puis Radio France. En 1984, elle est correspondante d’Europe 1 dans l’Est, basée à Strasbourg.