Trop belle, trop intelligente, trop aisée, trop éplorée. La couturière de Lépanges-sur-Vologne Christine Villemin qui, à 24 ans, vient de perdre son fils, alimente médisances et soupçons d’une partie du village et de la presse. Le soir du meurtre, le 16 octobre 1984, l’influent correspondant local de neuf médias nationaux, Jean-Michel Bezzina, contacte son complice, le commissaire Jacques Corazzi, chef de la crim’ à la police judiciaire de Nancy. Celui-ci, selon ses propres descriptions dans Le Secret de la Vologne, « descend un énième whisky, mollement allongé dans un des fauteuils » de Chez Sonia, « un bar à putes au chaud ». Le Rouletabille veut l’emmener à Épinal et à Bruyères, mais « Coco », le poulet corse, refuse : « C’est une affaire pour les pandores. » Ce sont en effet les gendarmes d’Épinal qui s’occupent de la scène de crime et reçoivent le lendemain la visite de Bezzina. Surpris de le trouver assis dans son bureau, le chef de la compagnie Étienne Sesmat l’éconduit, mais le reporter de faits divers le prend de haut et le met sur la piste à suivre : « C’est la mère ! »
Le hic, c’est que la piste mène à Bernard Laroche, cousin germain de Jean-Marie Villemin, bientôt inculpé d’assassinat et emprisonné le 5 novembre. L’avocat Gérard Welzer entre en scène aux côtés de Paul Prompt pour sortir, à tout prix, son client de ce mauvais pas. Le 8 novembre, Jean-Michel Bezzina, qui a invité maître Welzer à dîner à Épinal, arrive flanqué du commissaire Corazzi, lequel détaille dans son livre la collusion entre ces trois protagonistes. Selon le récit de « Coco » – qui parle de lui à la troisième personne –, voici le « but de l’opération » : « Pour Jean-Michel (Bezzina), convaincre Coco de se saisir de l’affaire. Pour le chef de la crim’, essayer d’en savoir plus car la saisine ne tardera pas. Pour Gérard Welzer, tenter de faire libérer son client. […] L’alliance des trois est un risque. Ces trois-là vont tirer dans la même direction, pour des motivations différentes », lit-on sous la plume de Jacques Corazzi. Et la cible s’appelle Christine Villemin. Une fois l’entente établie, « tous les trois se régalent d’un couscous sur le compte de RTL et arrosent sans retenue d’un Boulaouane 14 degrés leur future collaboration ».
Les jours suivants, les insinuations sur Christine Villemin sont distillées dans la presse. On évoque « une femme très proche de l’enfant ». À tort, on impute ces mots à un légiste ayant examiné le corps :