À Kyiv (Ukraine)
Ce 24 février 2022, la guerre a débuté partout de la même manière. Par des explosions, juste avant l’aube. Par le contact d’un proche surtout, un ami, un mari, un enfant qui, à travers l’Ukraine, secoue doucement ceux qui dorment encore et murmure. Réveille-toi. Ça a commencé.
Quelques jours auparavant, le député ukrainien Yaroslav Yurchyshyn voyait, un brin anxieux, certains de ses collègues préparer le départ de leurs familles à l’étranger (lire l’épisode précédent sur les jours précédant le 24 février). Ce matin-là, dans son appartement d’Obolon, un quartier résidentiel moderne du nord de Kyiv, il est réveillé vers 5 h 30 du matin par son fils aîné, Lioubomir. Le garçon a, comme des dizaines de milliers d’Ukrainiens, entendu des explosions. Les minutes qui suivent mélangent confusion et terreur. Yaroslav Yurchyshyn, sa femme, leur fille de 17 ans et leurs deux garçons de 11 et 8 ans attrapent leur sac d’urgence et partent se réfugier dans le couloir de l’étage. Le député de 42 ans peut alors sortir son téléphone et lire le message ordonnant à l’ensemble des députés de se rendre à la Rada, le parlement ukrainien, pour une session extraordinaire aux alentours de 7 h 30 du matin. Il faut encore sortir de l’immeuble, amener la famille à l’école du quartier
Sur la rive gauche de la capitale, la journaliste Anastasia « Nastya » Stanko se réveille au même moment après une nuit presque blanche. Avec son mari et leur fils d’un an, ils vivent dans le sud-est de Kyiv, non loin de l’aéroport international, déjà visé ce matin par un déluge de missiles russes. Nastya Stanko n’hésite pas une seconde, anticipant les immenses embouteillages dont les photos feront bientôt le tour de la planète. Une poignée de minutes pour attraper quelques affaires et les chats, démarrer la voiture, faire un détour par le quartier-île de Roussanivka, sur les berges du Dniepr, pour embarquer une amie. Avant même d’avoir vraiment réalisé ce qu’il se passe, elle est sortie de Kyiv. L’aube se lève sur une journée magnifique, alors que des millions d’Ukrainiens découvrent les volutes de fumée âcre qui s’échappent des aérodromes et des bases militaires visés par l’aviation russe, comme autant de confirmations d’un monde qui s’est effondré.

Kyiv est déjà derrière la reporter lorsque Yaroslav Yurchyshyn et son collègue pénètrent en voiture dans le quartier gouvernemental de la capitale, une zone à flanc de collines où se concentrent les imposantes bâtisses du bureau du Président