À Kyiv (Ukraine)
Sale temps pour rentrer dans l’armée. Un vent froid qui fait voltiger la cendre des cigarettes, une poignée de degrés au-dessus de zéro et une pluie fine qui tombe en ce début de mois d’avril sur ces hommes rassemblés derrière une barrière de pneus. Il n’est pas tout à fait 9 heures sur ce trottoir du quartier de Shevchenkivskyi, à Kyiv, lorsqu’une figure en uniforme s’approche du groupe, une feuille déjà à moitié trempée en main. Un silence accueille la liste de patronymes que l’officier déclame à voix haute. Pas de Rissiouk, de Sebro ni de Poletchouk, semble-t-il.
Tous devront patienter, en enchaînant les cigarettes et en serrant leurs sacoches en faux cuir remplies de documents
L’atmosphère était bien différente il y a un an, lorsque le choc de l’invasion russe avait poussé des dizaines de milliers d’hommes et de femmes vers ces bâtiments souvent décrépits, dispersés dans toutes les villes ukrainiennes (lire l’épisode 1, « Aux sources de la résistance ukrainienne »). Les files étaient alors plus longues et tous venaient de leur plein gré, déterminés à défendre leur terre alors que l’armée russe s’emparait de Kherson, menaçait la capitale et, à l’est, soumettait Kharkiv à un incessant pilonnage (lire l’épisode 10, « Kharkiv meurtrie, Kharkiv debout »). L’enthousiasme est alors tel que l’armée ukrainienne, incapable d’absorber si rapidement une telle masse de personnes, doit dans bien des cas refuser des volontaires.

Kyiv adopte très vite une stratégie toujours en vigueur aujourd’hui : plus de conscription et pas de mobilisation par vagues. Les hommes entre 18 et 60 ans se voient interdits de quitter le pays et peuvent, à tout moment, être appelés sous les drapeaux.