Le 13 juin 2013, une femme d’une cinquantaine d’années se présente à la gendarmerie de Montmorency, dans le Val-d’Oise. Elle veut déposer plainte contre un gynécologue, le docteur T. Elle l’accuse de l’avoir violée dix jours avant, lors d’une consultation à son cabinet de Domont, une ville voisine. Et, elle le jure, elle ne serait pas la seule victime. La veille, elle s’est confiée à deux amies. L’une a affirmé que sa mère, vingt ans auparavant, avait subi une agression de la part de ce médecin. L’autre lui a raconté qu’elle l’avait elle-même consulté avant d’arrêter de le voir car elle n’avait « plus confiance ». Elle explique aux gendarmes que leurs témoignages l’ont convaincue de porter plainte. Qu’elle n’a pas rêvé, que c’est grave.
Cette plainte est la première des 118 déposées entre 2013 et 2016 par d’anciennes patientes contre le gynécologue de Domont (lire l’épisode 1, « Un gynécologue, 118 plaintes pour violences sexuelles »). Elle va déclencher une enquête et conduire à la mise en examen du praticien pour 75 viols et 14 agressions sexuelles, concernant 86 plaignantes. Mais dans cette instruction, de nombreux éléments posent question : les atermoiements de la justice, ses oublis ou encore la façon dont sont traitées les victimes depuis huit ans.
À l’été 2013, leur parole avait pourtant été prise au sérieux. Immédiatement après la plainte du 13 juin, une enquête préliminaire est ouverte contre le médecin. Il est inconnu des services de police, fiché nulle part.