De Jérusalem
Les voix de Hind Rajab, 6 ans, et Layan Hamada, 15 ans, résonneront à jamais en ceux qui les ont entendues. Le 29 janvier, la voiture à bord de laquelle elles tentent de fuir Gaza City avec une partie de leur famille se retrouve encerclée par les tanks de l’armée israélienne. Layan, la cousine de Hind, décide d’appeler au secours le Croissant-Rouge palestinien. « Ils nous tirent dessus, le char est à côté de moi ! », lance-t-elle, paniquée, au secouriste qui a décroché. Celui-ci a à peine le temps de lui poser une question que l’on entend une énorme rafale, les hurlements de Layan. Puis le silence. Alors, une voix fluette émerge. Hind est la seule survivante. Autour d’elle dans la voiture, tous sont morts. « J’ai si peur, s’il vous plaît, venez », implore la fillette. Elle passera plusieurs heures en ligne avec le Croissant-Rouge, le temps que les ambulanciers reçoivent de l’armée israélienne l’autorisation d’intervenir. Son corps et celui de sa cousine ne seront retrouvés que douze jours plus tard, le 10 février, alors que l’armée s’est retirée de la ville de Gaza. Non loin de leur voiture est découverte l’ambulance venue les secourir, totalement explosée, et les corps des secouristes calcinés. Hind et Layan sont devenues le symbole du martyre des enfants gazaouis.
Alors que le Hamas fait désormais état de près de 29 000 morts depuis le début de la guerre le 7 octobre 2023, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que 70 % d’entre eux sont des femmes et des enfants, ces derniers étant les plus nombreux. Le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef), lui, dénombre plus de 9 000 enfants blessés. Les premières victimes de la guerre. À Gaza, depuis le 7 octobre, les médecins utilisent un sigle qui incarne cette souffrance extrême : « WCNSF ». « Wounded child, no surviving family », soit « enfant blessé sans famille survivante ». Des orphelins qui ont perdu leurs deux parents, leurs frères et sœurs, mais également tout oncle, tante ou cousin qui auraient pu s’occuper d’eux.
Auprès des Jours, Jonathan Crickx, le directeur de la communication d’Unicef Palestine, évalue ces « WCNSF » à 17 000 au bas mot : « On estime qu’il y a à l’heure actuelle 1,7 million de déplacés dans la bande de Gaza et que statistiquement, 1 % sont des enfants séparés ou non accompagnés. Et c’est sans compter les 300 000 Gazaouis isolés dans le nord de l’enclave, auxquels nous n’avons aucun accès », détaille-t-il.