De Beyrouth
La guerre est d’abord une question de vibrations. Ayant grandi au rythme des conflits successifs avec Israël, de l’invasion de 1978 à la guerre de 2006, les habitants du Sud du Liban savent identifier le bourdonnement d’un avion de reconnaissance MK israélien planant au-dessus de leurs têtes et différencier la déflagration d’un missile tiré depuis les airs de celle d’un tir de drone ou de char. Depuis le début des affrontements transfrontaliers entre l’État hébreu et le Hezbollah, le 8 octobre 2023, Heba entendait les grondements lointains des frappes israéliennes aux environs de Chehabiyé, village situé à 30 kilomètres de la frontière, mais elle faisait tout pour maintenir un semblant de routine. « On s’était habitués », dit-elle, en écho aux nombreux habitants de la région qui utilisent la même expression, signe de résistance autant que de fatalité.
Mais mardi 23 septembre à l’aube, début d’une semaine de bascule pour le Liban qui allait voir l’élimination du leader du Hezbollah Hassan Nasrallah et l’amorce d’une offensive terrestre israélienne, le retentissement soudain qui l’a tirée du lit était d’une autre ampleur : « On s’est réveillés au son des bombardements et la première chose qu’on a vue, ce sont les missiles frapper le village », raconte-t-elle le lendemain, depuis la cour d’une école publique de Beyrouth où quelque trois cents Libanais du Sud ont trouvé refuge après une journée d’enfer.