L’odeur de cire est tenace. Dès qu’on regagne le quartier du Bataclan, avant même d’arriver sur les lieux des attentats et des commémorations, le parfum sucré des bougies emplit l’air. Je baigne malgré moi dans ce halo particulier. L’atmosphère n’est plus la même. Nous n’avons plus d’habitudes.
Comment reprendre le quotidien de la vie de quartier d’avant ? J’en discute avec Sandrine, dont les enfants vont à la même école que les miens et dont le chemin passe devant la salle de concert attaquée, où 90 personnes ont perdu la vie. Ce qui était le plus quotidien devient le plus exceptionnel, comme de se rendre à l’école
, me fait-elle remarquer. Sandrine habite à quelques immeubles du Bataclan, un impact de balle a creusé le mur à droite de la porte de chez elle. Un blessé a été recueilli dans son hall le vendredi soir par sa voisine du premier étage. Pendant plusieurs jours, il y restait du sang et une serviette tachée : On voulait nettoyer mais la police a donné pour consigne de ne toucher à rien.
Le retour à la normale est chaotique. Ces rues demeurent pour elle une zone anxiogène
. Tout pose question, tout nous affecte. La première fois où je suis sortie de chez moi pour acheter du pain, j’ai eu l’impression d’être un soldat, un combattant ou un résistant, je devais vaincre quelque chose
, se souvient-elle. Au début, elle n’arrivait pas à laisser ses enfants, même pour une course rapide.