Dans une vidéo restée célèbre, tournée en juin 2009 sur un marché d’Évry (Essonne), Manuel Valls, alors maire de la ville, demande à l’un de ses collaborateurs de mettre «quelques blancs, quelques white, quelques blancos» à l’image. Il s’adresse à Christian Gravel, l’un de ses plus fidèles conseillers, resté son directeur de cabinet à Évry pendant dix ans, entre 2002 et 2012. Quand Manuel Valls devient Premier ministre, en 2014, il le nomme directeur du Service d’information du gouvernement (SIG), rattaché à Matignon. Quelques mois plus tard, en guise de récompense, Valls accorde à Gravel le titre de « préfet hors cadre », non attaché à un territoire mais bénéficiant de tous les avantages de ce statut de haut fonctionnaire. Même en cas de changement de majorité, le conseiller gardera son grade, résistant ainsi aux alternances politiques. Cette sécurité sera précieuse puisqu’à partir de mai 2017 Manuel Valls – largement battu à la primaire de la gauche –, ainsi que ses collaborateurs, ne seront plus en grâce au début du quinquennat d’Emmanuel Macron. On se souvient qu’après de longues tergiversations La République en marche avait refusé d’investir l’ancien Premier ministre pour les législatives. Mais les temps changent. Après s’être acquitté de différentes missions dans l’administration, Christian Gravel revient dans le giron du gouvernement. Il a été nommé secrétaire général du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation, sur proposition de la ministre déléguée à la Citoyenneté, Marlène Schiappa, via un décret signé ce jeudi 8 octobre. Le CIPDR, selon le sigle administratif consacré, est principalement chargé du volet social de la lutte contre l’islam radical.
La vision rigoriste de la laïcité défendue par Manuel Valls est bien connue – il ne manque pas de la rappeler régulièrement dans les médias français en dépit de son engagement politique en Espagne, comme ici fin 2019 sur France Inter ou en juin dernier dans l’hebdomadaire d’extrême droite Valeurs actuelles. L’arrivée d’un vallsiste dans le giron macroniste intervient quelques jours seulement après le discours du chef de l’État sur «la lutte contre les séparatismes», prononcé le vendredi 2 octobre aux Mureaux (Yvelines). Le mot « séparatisme » y apparaît à onze reprises ; celui de « laïcité » est prononcé seize fois. Sur la fin de son mandat, en perspective de 2022, Emmanuel Macron se positionne fortement sur ces questions qu’il avait peu abordées jusqu’ici.