C’est un peuple qui a été « tétanisé, terrorisé », selon les mots des orateurs à la tribune. C’est un peuple qui a trop longtemps « baissé les yeux sous les leçons de morale de la gauche ». C’est un peuple qui ne veut plus obéir aux « caquets de l’establishment », au « parti des sachants », « le microcosme », « les milieux bien informés », « les rentiers du système ». C’est le peuple de François Fillon, venu vendredi dans un des hangars de la porte de Versailles, à Paris, acclamer le champion du premier tour de la primaire de droite, son nouveau héros, celui qui lui dit de « parler fort », enfin.
Un peuple pas tout à fait populaire, pas tout jeune, un peuple de vestes en velours cotelé, de gilets matelassés, de chapeaux comme à la chasse, de têtes grises et de peaux blanches. Il y a les loden des familles bien nées de l’ouest parisien bien sûr, de confortables manteaux de prix et des enfants blonds au cheveu bien rangé, évidemment. Il y a aussi des hommes venus seuls, qui approuvent du menton chaque sortie de Fillon, que son discours venge d’on ne sait quel asservissement, qui se lèvent, la poitrine soudain gonflée par les mots du candidat, « la fierté », « la France », « l’impunité zéro », « les races ». Oui, car Fillon a dit le mot, « les races ».

C’est notre premier gros meeting, le dernier de François Fillon avant le second tour. Parallèlement, Alain Juppé en tient un à Nancy. Ensuite, vendredi soir, les deux candidats se taisent, jusqu’à ce dimanche. Notre premier gros meeting, et on se retrouve à arpenter les tapis roulants de ce parc des expositions du sud de Paris, où se tiennent d’ordinaire des salons de l’agriculture, de l’immobilier et du livre. Là, c’est celui des Vins et des Vignerons indépendants. On reconnaît ceux qui le fréquentent au collier bien pratique qu’ils ont autour du cou et dont le sautoir permet d’accrocher un verre pour goûter à tout au fil des stands à pinard. Robert et Edouard, 30 et 28 ans, respectivement « dans l’expertise immobilière » et « jeune diplômé en droit au chômage », ont profité du salon pour faire une virée chez Fillon. Ils ont un peu picolé. Robert est « libéral libertaire de droite » et « la remise en cause partielle du mariage pour tous » de Fillon le rend « sceptique ». Edouard, lui, est « plutôt sarkozyste » et il votera Fillon ce dimanche plutôt que Juppé dont le rapprochement avec François Bayrou « constitue un vrai repoussoir ».
Sur les tapis roulants, on dépasse des « Jeunes avec Fillon » reconnaissables à leur t-shirt bleu, leur cheveu court et dru, leur regard sans doute aucun, intransigeant d’étudiant de l’UNI dont certains arborent l’autocollant.