Voici les images d’une confrontation. Confrontation entre deux idéologies, deux peuples qui appartiennent pourtant au même pays, le Venezuela. Photographe argentin installé en France, Hugo Passarello Luna couvre l’actualité internationale. Il a passé plusieurs semaines, entre février et juin 2019, à Caracas et dans le reste du pays pour documenter la tentative de prise de pouvoir par Juan Guaidó et la résistance de l’exécutif présidé par Nicolás Maduro. Le photographe s’est aussi attardé dans les quartiers pauvres, les hôpitaux, les bords de route où les jeunes tentent d’attraper un réseau internet. Au-delà des événements, il a posé son regard sur la vie quotidienne des Vénézuéliens. Les Jours vous proposent une plongée au cœur de ce pays, avec les explications d’Hugo Passarello Luna sur ses images.
J’arrive au Venezuela fin février 2019, quelques jours après que le chef de l’opposition Juan Guaidó a tenté, sans succès, de faire rentrer une aide humanitaire de Colombie. C’est le début de la plus grande et de la plus longue panne de courant du Venezuela, quatre jours, paralysant 80 % du pays. Le gouvernement accuse les puissances étrangères de sabotage ; les opposants, le manque d’entretien des infrastructures du pays. La panne provoque une pénurie d’eau, car les pompes ne fonctionnent pas. Pas une goutte. Le prix des bonbonnes d’eau atteint des tarifs inacceptables alors que le salaire minimum n’est que de quelques dollars. « À cause de Maduro, je dois me baigner dans le Guaire », me dit cette femme pendant que son mari lui verse un seau d’eau sur le visage. Ils sont venus s’abreuver à un tuyau qui se jette dans cette rivière qui traverse Caracas et sert à l’évacuation des eaux usées. Comme eux, des centaines de personnes d’un quartier modeste de la capitale se sont précipités dans la rivière pour avoir accès à l’eau pour nettoyer et cuisiner.
Petare est un grand bidonville aux confins de Caracas. Je viens photographier les files d’attente des gens qui veulent acheter à manger malgré les prix prohibitifs. « Vous ne pouvez pas vous garer ici », me dit un policier. Alors que je cherche une autre place, son collègue s’approche et me dit : « Vous êtes de la presse internationale ? » À ce moment-là, je me dis qu’il va me demander mon visa. « Vous pouvez laisser la voiture ici et faire votre reportage. Dites au monde que ce président est en train de nous faire crever de faim. » Sans électricité, le paiement par carte bancaire ne fonctionne plus.