Après un tremblement de terre, il y a les répliques. Et c’est l’écho de la révolution tunisienne que le photographe Kamel Moussa donne à voir. Avec le vide porté par les espoirs déçus de la révolution de 2010-2011, les jeunes Tunisiens s’interrogent sur leur devenir et les chemins à emprunter. Kamel Moussa traite ce sujet en photographiant directement les personnages de cette époque. Dans la série Équilibre instable, il documente les visages de cette jeunesse qui oscille entre partir et rester.
Ce travail est notre coup de cœur du festival Les Boutographies de Montpellier, dont Les Jours étaient partenaires. Nous avons aimé cette attention portée aux personnages et la volonté de partir du particulier pour parler de l’Histoire. Le photographe prend le temps face à une jeunesse qui ne veut plus en perdre. Comme eux, il fut de ceux qui se sont posé la question du départ. Lui est parti. Installé à Bruxelles, Kamel Moussa regarde ces jeunes comme un miroir. Il tente de retrouver ses propres interrogations – Que serais-je devenu si j’étais resté ici ?
– et son parcours dans leurs questionnements et leurs situations.
Kamel Moussa décrit pour Les Jours les rencontres qui ont accompagné ces photos et donne des clés pour aller au-delà des images.

« J’ai rencontré Intissar par l’intermédiaire d’un de ses camarades au lycée, Mouheidine, que j’avais déjà photographié. Intissar passe son bac scientifique cette année. Elle aimerait faire des études de médecine, comme sa grande sœur Amel. Ses deux parents sont instituteurs dans une école primaire dans la ville de Zarzis. Ils ont fait beaucoup de sacrifices pour que leurs deux filles puissent avoir un excellent parcours scolaire.
Il n’est pas du tout évident de rentrer dans l’intimité d’une famille et faire des photos. J’ai beaucoup discuté avec les parents d’Intissar à propos de mon travail et de mes intentions photographiques avant qu’ils acceptent de faire cette image.
Cette photo intrigue beaucoup. On me pose souvent des questions à propos de la pose d’Intissar et de son père, de mon choix de l’intégrer à ma sélection d’images. Tout d’abord, il était question que je photographie Intissar seule. Son père n’était pas loin pendant qu’on faisait des photos. Et puis j’ai proposé au papa et à sa fille une photo ensemble, ce qu’ils ont accepté. La pose d’Intissar se mettant à genoux est arrivée spontanément de sa part, et puis la main de son père s’est posée sur son épaule. J’ai trouvé dans cette pose un sentiment d’attachement profond et une certaine vénération du père. Cette image ajoute à mon projet une dimension fusionnelle, un attachement profond aux rapports parents-enfants et qui fait partie intégrante de la société tunisienne. »