Tous les cinq ans, les projecteurs sont braqués sur le Parlement européen. Il y a un mois, 500 millions d’électeurs votaient pour désigner leurs eurodéputés. Lesquels ont immédiatement été scrutés par les nombreux lobbyistes œuvrant au niveau européen. Karima Delli se souvient parfaitement de son arrivée à Bruxelles en 2009, pour son premier mandat. À seulement 30 ans, la nouvelle recrue écolo figurait parmi les plus jeunes eurodéputés. Une cible idéale pour les lobbies, qui cherchent immédiatement à approcher les heureux élus. « L’un des premiers courriers reçu à mon bureau était un questionnaire envoyé par un cabinet de conseil pour me demander ce que je pensais de l’industrie agroalimentaire, contre rémunération. J’ai refusé. Le lobbying, c’est comme un escalier. Si vous descendez la première marche en début de mandat, vous dévalez l’escalier pendant cinq ans », souligne-t-elle alors qu’elle vient d’être élue pour un troisième mandat dans l’hémicycle strasbourgeois, lors du scrutin européen du 26 mai.
Après les courriers, viennent les tentatives de rencontre. « Très vite, j’ai vu des lobbyistes arpenter les couloirs et proposer des rendez-vous. Je m’y attendais mais au début, leur omniprésence m’a heurté », se souvient Édouard Martin, élu pour la première fois en 2014 sous les couleurs du Parti socialiste. L’ancien syndicaliste et sidérurgiste lorrain s’était ensuite fixé plusieurs règles de conduite : « Je les rencontrais toujours dans mon bureau, en présence de mes collaborateurs, une heure maximum, et pas plus d’une fois par an », raconte-t-il aux Jours. Autre décision : n’effectuer qu’un seul mandat d’eurodéputé. « Une fois élus à Bruxelles et à Strasbourg, les eurodéputés sont plus souvent en contact avec les lobbies qu’avec les citoyens. Ils évoluent dans un monde à part, qui s’autoalimente. »

La pression est forte sur les 751 eurodéputés. Bruxelles concentre le plus grand nombre de représentants d’intérêts, juste après Washington, la capitale mondiale des lobbies. Ils seraient 26 500 lobbyistes présents de façon régulière dans la capitale belge et plus de 37 000 impliqués dans des activités d’influence, selon l’ONG Transparency International. À l’heure où nous écrivons, les cabinets de lobbying ont fait et refait leurs listes de députés potentiellement favorables aux intérêts qu’ils défendent et déjà pris contact avec les assistants parlementaires fraîchement nommés.