Le revers est sans précédent. Devant les députés européens, Sylvie Goulard n’a réussi ni ses oraux, ni son écrit. Une écrasante majorité a voté contre sa nomination comme commissaire dotée d’un large portefeuille allant du marché intérieur à la défense, en passant par l’industrie et l’espace. C’est la première fois que les conflits d’intérêts d’une candidate l’empêchent d’accéder à la Commission européenne. On se souvient de Miguel Cañete, commissaire à l’énergie et au climat, critiqué à sa nomination, en 2014, pour ses participations et son implication dans deux compagnies pétrolières. Il avait emporté sur le fil la majorité nécessaire à sa nomination. Cinq ans après, les mœurs semblent avoir évolué et la question des lobbies tourmenter un peu plus les institutions européennes. Il faut dire que lors de ses auditions et dans ses réponses aux questions écrites des eurodéputés, jamais Sylvie Goulard n’a réussi à éclaircir sa mission, ni ses liens avec l’Institut Berggruen, un think tank fondé par le milliardaire américano-allemand Nicolas Berggruen, également à la tête d’un fonds vautour travaillant de plus en plus avec la Chine et propriétaire de Karstadt, chaîne de grande distribution allemande. Il est aussi un soutien affiché d’Emmanuel Macron, lequel a présenté la candidature de Sylvie Goulard à la Commission européenne et essuie au passage un sérieux camouflet.
Il est reproché à l’ancienne eurodéputée du Modem, qui a rejoint En marche en 2017, d’avoir touché, entre octobre 2013 et janvier 2016, une rémunération mensuelle de plus de 10 000 euros brut, supérieure à celle des parlementaires européens, versée par l’Institut Berggruen. Sur les trois derniers mois de 2013 et en janvier 2014, sa rémunération s’élevait même à plus de 12 000 euros par mois, selon sa déclaration d’intérêts. Pendant qu’elle percevait ce double salaire, Sylvie Goulard présidait l’intergroupe de lutte contre la pauvreté au Parlement européen… Pour quelle mission ? Le think tank la présente alternativement comme « conseillère » ou « consultante » de son club de pensée, baptisé « Conseil pour le futur de l’Europe ». Dans une lettre envoyée aux eurodéputés pour voler au secours de Sylvie Goulard, Nicolas Berggruen a expliqué l’avoir recrutée pour ses compétences, sa connaissance des arcanes européens et son carnet d’adresses. Et pour coordonner des rapports ou préparer des réunions.

« I’m clean ! », avait lancé l’ex-eurodéputée lors de sa première audition, le 2 octobre.