Pierre-Alain Vitte est pharmacologue, docteur ès sciences pharmaceutiques, ex-salarié de Serono (1999-2007) puis Merck Serono (2007-2011). Aujourd’hui consultant indépendant en pharmacologie et pharmacocinétique, il témoignait anonymement, le 12 mai dernier, sur France 2, pour souligner la possibilité d’une dégradation du principe actif, la lévothyroxine, par l’acide citrique, l’un des deux excipients ayant remplacé le lactose dans la nouvelle formule du Levothyrox produite par le laboratoire Merck. Depuis son lancement, celle-ci a provoqué un record de signalements d’effets secondaires et des centaines de milliers de personnes s’en sont depuis détournées (lire l’épisode 2, « J’étais tellement mal que j’avais envie d’en finir »).
Pour Les Jours, ce lanceur d’alerte parle aujourd’hui à visage découvert, étaye ses propos et les complète, notamment concernant le brevet de la nouvelle formule et l’étude de bioéquivalence. Pendant plusieurs mois, il s’est plongé dans la documentation publique autour de la nouvelle formule, notamment celle mise à disposition par l’Agence du médicament (ANSM). Sa conclusion : l’étude de bioéquivalence ne respecte pas les règles de l’art et le brevet de la nouvelle formule pose aussi problème. La synthèse de ses recherches a été transmise au tribunal administratif via l’avocat Christophe Lèguevaques, qui a organisé plusieurs actions de groupe avec des victimes de la nouvelle formule (lire l’épisode 11 des Lobbyistes).
Ces nouveaux éléments viennent nourrir l’enquête Intox au Levothyrox, qui a fait l’objet, ce jeudi 24 mai à 19 h 30, d’une émission filmée en direct de la rédaction des Jours à voir ici en replay.
Pourquoi vous êtes-vous lancé dans ces recherches autour de la nouvelle formule du Levothyrox ?
J’ai commencé à m’y intéresser à force d’entendre des informations pseudo-scientifiques dans les médias en provenance d’experts qui ont montré beaucoup de légèreté. La plupart des endocrinologues qui se sont exprimés sont des spécialistes du diabète ou du cancer. Mais ils n’ont jamais publié le moindre résultat de recherche sur la thyroïde. Le déclencheur, c’est quand j’ai entendu certains dire que l’acide citrique est inoffensif car présent dans les chewing-gums. Là, j’ai bondi. Ça n’a absolument rien d’un raisonnement scientifique ! C’est aussi l’arrogance et l’absence d’empathie à l’égard des victimes de la part du milieu médical qui m’ont motivé.
Comment avez-vous procédé dans vos recherches ?
Tout simplement en m’appuyant sur les documents officiels mis en ligne par l’ANSM, les brevets de Merck et la littérature scientifique.