Depuis quelques jours, un scénario catastrophe pour le gouvernement se dessinait : une alliance des contraires vis-à-vis de sa loi immigration. Mais on avait du mal à y croire. Comment, se disait-on, la gauche pourrait-elle décider en toute connaissance de cause de mêler ses voix à celles du Rassemblement national (RN) sur un sujet aussi symbolique que l’immigration ? Et, surtout, comment l’extrême droite et Les Républicains (LR), qui n’arrêtent pas de dénoncer le laxisme ou les sentiments « immigrationnistes » de la gauche, pourraient-ils voter un texte venant de cette même gauche ? Eh bien c’est ce scénario-là qui s’est écrit ce lundi à l’Assemblée nationale. Le groupe écologiste a déposé une motion de rejet préalable au « projet de loi immigration et intégration ». Et, après un débat d’une heure et demie, celle-ci a été adoptée à une courte majorité, mais une majorité incontestable. Un scrutin public avait été demandé et 270 voix se sont exprimées pour, contre 265 qui s’y sont opposées.
Cela met fin de facto à la discussion prévue à l’Assemblée cette semaine, mais ne constitue pas forcément la mort définitive de ce texte. Tout dépendra maintenant de ce que décide le gouvernement, qui peut, soit choisir de renvoyer le texte au Sénat, soit décider de tenir une commission mixte paritaire entre députés et sénateurs. L’événement parlementaire est tout de même assez exceptionnel : la dernière fois qu’une motion présentée par la majorité a été votée à l’Assemblée, c’était en 1998 et cela concernait une proposition de loi visant à instaurer le Pacte civil de solidarité active, le Pacs.
La droite et l’extrême droite ont en tout cas réussi à faire durer le suspense jusqu’au bout, dévoilant leur vote seulement dans l’hémicycle. Jeudi, Olivier Marleix, le président du groupe LR à l’Assemblée, s’était contenté de déclarer que le vote de la motion était « une solution assez tentante », tandis qu’Éric Ciotti, le président du parti, affirmait dans Le Parisien : « Nous déciderons lundi de notre position. » Invitée du Grand Rendez-Vous d’Europe 1, Marine Le Pen a, de même, fait souffler le chaud et le froid, la présidente du groupe RN estimant qu’« il y a des arguments pour et des arguments contre » et repoussant elle aussi la décision à ce lundi. Un petit jeu qui s’est poursuivi le plus longtemps possible. Le jour J, peu avant l’ouverture de la séance à l’Assemblée, à 16 heures, personne n’est ainsi prêt à lâcher le morceau.