Mercredi 13 mars, vers 19 h 15 à Aubervilliers, en Seine-Saint-Denis, une voiture de police de la brigade anticriminalité (BAC) percute de plein fouet le scooter conduit par Wanys R., 19 ans, qui meurt quelques minutes plus tard. Son passager, Ibrahim H., 18 ans, est grièvement blessé, le bassin et la cheville fracturés. Les deux jeunes hommes étaient poursuivis par un autre véhicule de police, conduit, lui, par un équipage d’une brigade territoriale de contact (BTC) à la suite d’un refus d’obtempérer. Deux enquêtes ont été ouvertes, l’une par le parquet de Bobigny pour « refus d’obtempérer aggravé » et l’autre par l’Inspection générale de la Police nationale (IGPN) pour « homicide et blessures involontaires », qui vise les trois policiers de la BAC. La police des polices cherche à déterminer s’il s’agit d’un accident intervenu alors que les fonctionnaires tentaient d’éviter un taxi, comme ils le disent, ou bien s’ils se sont volontairement déportés pour renverser le scooter, comme la famille de Wanys R. et Ibrahim H. lui-même le soutiennent.
Le 15 mars, leur avocat, Yassine Bouzrou, a déposé une plainte conjointe avec constitution de partie civile pour « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner » et pour « violences volontaires aggravées ayant entraîné une infirmité permanente ». Dans cette plainte, que Les Jours ont pu consulter, Ibrahim H. « affirme avoir entendu un fonctionnaire de police tenir les propos suivants : “On les a eus, bien joué.” » Il dit également avoir « reçu des coups à la suite de son interpellation ». Lors d’un entretien accordé à France 3, le jeune homme précise : « Ils disaient : “Yes, on a réussi à les renverser.” Ils ont vu que j’étais conscient et que j’avais entendu, alors ils m’ont tapé ou essayé de m’étouffer […] pour que je me rendorme. » Yassine Bouzrou, qui a demandé qu’un juge d’instruction soit désigné et le dépaysement du dossier, prévient : « Il y aura également des poursuites pour les violences commises sur lui lors de son interpellation. » Une source proche de l’enquête nous confie, elle, que « le passager aurait eu une attitude violente au moment de l’intervention des policiers ». Contactée, la préfecture de police de Paris nous a renvoyé vers le parquet de Bobigny, qui n’a pas répondu à nos sollicitations.
Les Jours ont retrouvé un témoin de l’interpellation d’Ibrahim H., Matthew, qui souhaite rester anonyme. Ce ressortissant américain de 48 ans réfute toute violence de la part du passager du scooter et corrobore au contraire sa version : il assure avoir vu un policier en uniforme le frapper violemment à la tête après l’accident, alors qu’il venait de heurter le sol. « Très choqué », Matthew a sorti son téléphone pour filmer la suite de l’interpellation d’Ibrahim H. Cette vidéo inédite que révèlent Les Jours dure une minute et a été prise à 19 h 16. Elle se situe peu après la vidéo de l’accident diffusée par France 2 et capturée par la vidéosurveillance et juste avant celle, également produite par la chaîne publique dans le même reportage, qui montre les fonctionnaires de police traîner Ibrahim H., menotté, sur le sol à travers l’avenue du Président Roosevelt, à Aubervilliers.