Un grand procès est fait de petites phrases. À celui des quatorze accusés des attentats de janvier 2015 qui s’ouvre ce mercredi, on aurait en principe dû entendre l’accusée-clé Hayat Boumeddiene, l’épouse religieuse d’Amedy Coulibaly, parler du « califat » de l’État islamique où elle est partie cinq jours avant l’attaque contre Charlie Hebdo (lire l’épisode 1, « “Charlie Hebdo”, 11 h 33, les visages se figent »). « Vivre dans une terre où la loi d’Allah s’applique est très satisfaisant », aurait-elle sûrement répété à la barre, comme dans l’interview qu’elle a donnée quelques semaines après son arrivée en Syrie à Dar al Islam, la revue numérique de l’État islamique (EI). Elle n’aurait pas manqué de saluer encore les actes de son mari, peut-on imaginer. C’est ce qu’on pouvait attendre de ce procès, toucher du doigt la substance du moment d’histoire ouvert par les attentats contre Charlie et l’Hyper Cacher, cette étrange mystique sanguinaire et décomplexée, cette insupportable légèreté jihadiste.
Ce sera pourtant impossible, car Hayat Boumeddiene n’assistera pas à son procès. Elle est toujours recherchée et personne ne sait même si elle est encore en vie. Une jihadiste française a affirmé l’avoir croisée en octobre 2019 dans un camp de détention kurde en Syrie, dont elle se serait évadée. Sa trace a ensuite été perdue.