Sous leurs manches longues, les trois accusés, jugés pour leur rôle dans la bagarre où Clément Méric est décédé, cachent le même tatouage. Une toile d’araignée autour du coude, présentée tantôt comme un signe d’appartenance au mouvement skinhead, tantôt comme la marque des piliers de bar. Ils partagent aussi des origines plutôt modestes, une certaine aversion pour l’école et une tendance frustrante à dépolitiser leur parcours, que cela relève d’une stratégie de défense ou d’un réel déficit culturel sur le milieu dans lequel ils grenouillaient. Deux demi-journées ont été consacrées, mardi et mercredi, à essorer les biographies d’Esteban Morillo, Samuel Dufour et Alexandre Eyraud, pour tenter d’en extraire la moelle. Cet exercice ambigu, impudique et forcément réducteur fait partie des passages obligés d’une cour d’assises. Au moment du délibéré, le jury ne pourra pas faire abstraction de ce qu’on appelle ici « le contexte » du crime. Les existences heurtées des accusés, avec ce qu’elles peuvent compter de traumatismes, de décisions et de hasards, ont vocation à être tordues vers l’éclairage ultime des faits.
Esteban Morillo, 25 ans aujourd’hui, est né en Espagne. « Mon mari n’est pas français, mon fils n’est pas né en France non plus et on a longtemps été immigrés », résume sa mère Colette, comme pour laver son fils des accusations de racisme.