L’audience de jeudi s’étant terminée en eau de boudin, la présidente a tenté de faire démarrer celle de vendredi après-midi sur de bonnes bases. Les trois premiers jours du procès de Tarnac, Corinne Goetzmann avait opté pour une méthode singulière mais a priori très habile pour juger cette affaire : laisser la défense s’exprimer longuement, par la voix des prévenus Julien Coupat et Mathieu Burnel ou de l’avocat Jérémie Assous – les autres ayant opté pour plus de réserve –, y compris lorsqu’ils se lançaient dans des tunnels de dix minutes ou des duels avec le procureur, entraînant un certain désordre et du brouhaha dans le public. La présidente ayant de la répartie, elle le tolérait sans se laisser chahuter pour autant, et toutes les forces en présence auraient pu y trouver leur compte. Mais à la longue, la situation est devenue incontrôlable. Tout en reconnaissant que « la qualification initiale des faits », leur « ancienneté » et le « traitement de cette affaire » avaient fait naître « une colère qui avait besoin d’être exprimée », Corinne Goetzmann a dû, vendredi, rappeler « les usages » et « les règles » du procès pénal. « C’est comme ça que je veux désormais procéder », conclut la présidente, mettant un terme à l’expérience autogestionnaire.
La présidente espérait ainsi ramener la sérénité nécessaire à l’examen du procès-verbal « D104 », celui qui retrace la filature de Julien Coupat et Yildune Lévy des 7 et 8 novembre 2008, jusqu’au sabotage de Dhuisy. Mais depuis des années, Jérémie Assous a fait de ce procès-verbal une pièce maîtresse de son argumentation : « Le juge d’instruction n’a fait qu’une seule chose : tenter de couvrir les agissements des policiers. » Ni lui, ni Julien Coupat et ses raisonnements tortueux n’ont pu garder leur calme, tandis que Mathieu Burnel piaffait d’être réduit au silence par le fait que ce PV ne le concerne pas directement.

Début novembre 2008, Julien Coupat fait l’objet de filatures quasiment continues. Tantôt par la DCRI, tantôt par la Sdat (la Sous-direction antiterroriste), qui a ouvert une enquête préliminaire sur son compte et cherche visiblement un élément déclencheur pour l’arrêter. Le 7 novembre vers 11 heures, lorsque Julien Coupat quitte Rueil-Malmaison dans sa Mercedes, il n’est donc pas étonnant que la DCRI se colle derrière lui. Elle perd de vue la voiture à Montrouge vers midi et la retrouve à 14 h 50, porte de Châtillon.