Le 11 novembre 2008 au très petit matin, la ferme du Goutailloux se réveille au son des portes défoncées, des « rafales de pas dans l’escalier » et des cris « police, police ». C’est l’épicier de Tarnac Benjamin Rosoux, l’un des huit prévenus, qui raconte la scène, lundi au tribunal. Interpellé sur place à la lumière des lampes-torches, il a « suivi les policiers de 8 heures à 14 heures » pendant qu’ils passaient au peigne fin les bâtiments de la ferme et les onze caravanes installées sur 40 hectares de terrain, accompagnés d’un chien renifleur d’explosifs et d’un détecteur de métaux. Sept mois après l’ouverture d’une enquête préliminaire sur l’entourage de Julien Coupat, et trois jours après les sabotages coordonnés de la nuit du 7 au 8 novembre, la police antiterroriste lance une vague d’arrestations dont l’épicentre est le petit village de Tarnac, en Corrèze. Comme Benjamin Rosoux, plusieurs des personnes visées sont fichées par les renseignements généraux (devenus DCRI en 2008) pour leurs activités militantes étiquetées « anarcho-autonomes ». À des degrés divers. Manon Glibert, une autre des prévenus, est ainsi connue pour une « distribution de tracts et de sangria » dans une manif à Limoges.
On n’est pas là pour chouiner, mais on s’est fait braquer devant nos enfants, à poil. Un officier de la Sdat a dit à ma compagne : “Salope, tes enfants, tu les reverras pas avant dix ans.”
Qu’ils aient été arrêtés à la ferme, dans le centre de Tarnac, à Rouen ou à Paris, les huit prévenus gardent un souvenir pour le moins vivace de leur arrestation, de leur garde à vue et des perquisitions, sur lesquelles le tribunal est revenu lundi. Déjà, les jours précédents, le sujet avait déjà affleuré à plusieurs reprises. « On n’est pas là pour chouiner, déclarait par exemple Mathieu Burnel le 14 mars, mais on s’est fait braquer devant nos enfants, à poil. Un officier de la Sdat [Sous-direction antiterroriste] a dit à ma compagne : “Salope, tes enfants, tu les reverras pas avant dix ans.” » Lundi, Christophe Becker raconte qu’après la perquisition chez lui, à Limoges, il a expliqué à son fils « que quelqu’un avait éternué très fort » pour justifier l’appartement sens dessus-dessous. Lui a connu deux visites de la Sdat : le 11 novembre 2008, les policiers sont venus chercher sa compagne de l’époque, Manon Glibert. Un an après, le 24 novembre 2009, ils sont revenus pour lui.

Après exploitation du matériel informatique et des documents saisis chez eux, le couple est poursuivi pour « détention frauduleuse de documents administratifs », recel, et Christophe Becker pour « tentative de falsification ».