Je suis arrivée la première, sous une pluie battante, j’avais peur d’être en retard. J’ai repéré le van noir, garé devant la mairie du XIe arrondissement de Paris. Deux femmes attendaient. L’autre passager est un homme. Il salue discrètement, s’engouffre dans le véhicule, à côté de moi. Nous sommes deux inconnus sur la même banquette, trimballant avec eux leurs souvenirs du 13 Novembre. La voiture démarre. Je lui demande s’il habite le XIe. Il me dit que non, il vit en banlieue. Je ne le relance pas. C’est lui qui poursuit : Vous êtes là comme victime ?
Je m’empresse de lui répondre. Non, non, je ne suis pas une victime. Je viens comme riveraine. J’habite juste à côté du Bataclan.
Je ne lui retourne pas la question. Je ne suis pas venue comme journaliste. Je regarde la route, les immeubles qui défilent, ces rues familières. Je l’entends dire : Moi, j’étais à l’intérieur du Bataclan.
Je me retourne vers lui. Je garde le silence. Nous sommes tous les deux volontaires pour participer à un vaste programme de recherche étalé sur plus de dix ans piloté par le CNRS (Centre national de la recherche scientifique) et l’Inserm sur la mémoire des attentats qui ont fait 130 morts, en novembre 2015. On nous emmène à Bry-sur-Marne (Val-de-Marne) à l’Institut national de l’audiovisuel (INA), qui conserve les archives de la télévision française, pour enregistrer notre témoignage. Les chercheurs comptent sur mille volontaires.
Le dispositif devrait rassembler cent cinquante scientifiques de plusieurs disciplines : des historiens, des sociologues, des linguistes, mais aussi des neuropsychologues… Je n’ai pas cherché à en savoir beaucoup plus sur ce programme avant d’être candidate.